Québec va à l'encontre d'un avis de la Commission des droits de la personne en déposant un projet de loi qui permet à certaines aides domestiques seulement d'être couvertes par la CSST. Une coalition accuse même le gouvernement Charest de faire «perdurer la discrimination» à l'égard de ces travailleuses à faibles revenus.

En vertu du texte législatif présenté hier après des mois de tergiversations, une aide domestique devrait être «engagée sur une base régulière d'au moins 24 heures par semaine» pour obtenir les mêmes protections que tous les autres travailleurs salariés en cas de maladie ou d'accident de travail. Cette règle est décriée de toutes parts.

 

Au moment de la préparation du projet de loi, la Commission des droits de la personne avait signifié par écrit à la CSST qu'un tel seuil «pose problème», a confirmé sa porte-parole, Patricia Poirier. Aucun autre travailleur salarié ne se voit imposer une telle règle.

La Commission a indiqué que la loi pourrait être facilement contournée. «Rien n'empêcherait un employeur d'embaucher deux aides domestiques 20 heures par semaine. Ou à deux employeurs de se les échanger», a affirmé Mme Poirier.

Dans un avis majeur déposé en décembre 2008, la Commission des droits de la personne avait jugé discriminatoire l'exclusion des aides domestiques de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Selon elle, la discrimination est fondée sur le sexe - ce sont surtout des femmes -, la race - elles sont souvent des immigrantes - et la condition sociale - elles ont de faibles revenus.

Il aura fallu un an et demi au gouvernement pour déposer un projet de loi. Au début de 2009, le ministre du Travail de l'époque, David Whissell, s'était engagé à déposer un projet de loi à l'automne. Mais il a démissionné du Conseil des ministres en septembre et a été remplacé par Sam Hamad. Le dépôt du projet de loi a été reporté pendant des mois.

La coalition «CSST pour les travailleuses domestiques» est furieuse. «Il y a un problème majeur parce que le gouvernement fait perdurer la discrimination», a affirmé Christiane Gadoury, organisatrice communautaire à l'Union des accidentés de Montréal. «Il y a toujours un traitement différent pour les aides domestiques par rapport aux autres travailleurs, à qui on n'impose pas un nombre d'heures.»

Selon elle, le projet de loi tel que déposé viendrait surtout en aide aux immigrantes, en majorité des Philippines, qui travaillent dans les maisons de gens fortunés via le programme fédéral d'aides familiaux résidants.

Sam Hamad qualifie son projet de loi de «geste humanitaire pour protéger ces travailleurs qui, peut-être, dans certains cas, sont maltraités». Il a justifié l'imposition d'un minimum de 24 heures en plaidant que le gouvernement devait éviter certaines situations. «Il fallait identifier vraiment quelles personnes pouvaient être assujetties. Je ne le cache pas: des groupes demandent d'ouvrir plus large. Mais quand je fais appel à une gardienne d'enfant dans ma rue qui garde mon enfant deux heures par semaine, est-ce qu'elle doit être assujettie? Quand je fais appel à un garçon qui vient m'aider à couper mon gazon, est-ce qu'il doit être assujetti?»

Le Parti québécois rejette l'argument du ministre. Les exemples donnés par M. Hamad sont plutôt des travailleurs autonomes, selon le critique en matière de travail, François Rebello. «Malheureusement, le ministre a fait le choix d'écouter un certain lobby patronal qui voulait absolument qu'on mette une limite, a dit le député de La Prairie. On va demander un amendement pour faire en sorte qu'on ne mette pas la limite du 24 heures, mais qu'on couvre toutes les aides domestiques qui sont considérées salariées, comme on le fait pour tous les autres emplois, en sachant très bien que ça ne va pas inclure le gars qui coupe le gazon.»

Le projet de loi fera l'objet de consultations et ne pourra ête adopté avant l'automne. Selon la CSST, entre 3000 et 6000 aides domestiques pourraient se prévaloir de ses dispositions. Soulignons que le projet de loi permet aux aides domestiques visées de recourir au retrait préventif en cas de grossesse. L'employeur doit payer une cotisation à la CSST pour ses domestiques. Dans le cas d'un congédiement, la CSST «ne peut ordonner à l'employeur de le réintégrer» mais seulement «de verser au domestique l'équivalent du salaire et des autres avantages dont il a été privé». Le projet de loi définit l'aide domestique comme «une personne physique qui, en vertu d'un contrat de travail conclu avec un particulier et moyennant rémunération, a pour fonction principale, au logement de ce particulier, d'effectuer des travaux ménagers, d'assurer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou âgée».