Plaidant que son gouvernement a été la cible de plusieurs critiques exagérées, le premier ministre Jean Charest a tenté une nouvelle fois de tourner la page sur ses difficultés des derniers mois, en affirmant qu'il souhaite adopter d'ici l'été un code d'éthique pour les députés.

Dans un discours appuyé sur une citation de l'ancien président américain Theodore Roosevelt, M. Charest a affirmé, jeudi, que ses convictions sont plus fortes que les critiques.

«Il peut nous arriver des maladresses, a-t-il dit. Il peut arriver des erreurs. Après tout, la politique, c'est fait par des humains. Mais depuis l'automne dernier, il faut dire que tout est devenu doutes et soupçons. Tout prend une ampleur démesurée.»

La semaine dernière, M. Charest a été contraint d'expulser son ministre de la Famille, Tony Tomassi, après avoir appris qu'il avait utilisé une carte de crédit offerte par un de ses amis, un entrepreneur controversé qui a donné des milliers de dollars à la caisse libérale.

Les libéraux ont aussi dû affronter la multiplication des allégations de malversations et de favoritisme dans l'octroi de divers contrats publics et de places en garderies - ce dernier dossier ayant particulièrement affaibli M. Tomassi.

Face aux pressions de l'opposition qui continue de réclamer une enquête publique sur la construction, M. Charest a privilégié la mise sur pied d'une escouade policière spéciale et le resserrement de plusieurs lois.

Regagner la confiance

Devant un auditoire d'élus municipaux réunis lors d'un congrès annuel à Québec, M. Charest a insisté sur l'importance de faire des efforts pour regagner la confiance de la population.

M. Charest a indiqué que, d'ici le 11 juin, il souhaite doter les parlementaires et élus municipaux d'un code d'éthique et d'un commissaire pour l'administrer.

«Nous devons travailler ensemble pour maintenir la confiance des citoyens, a-t-il dit. Mais nous devons aussi être capables de dire qu'il y a beaucoup d'exagération.»

Le projet de loi 48, qui vise les élus de l'Assemblée nationale, a été présenté il y a exactement un an par le gouvernement et les parlementaires ont ensuite commencé à l'étudier, jusqu'à l'automne dernier.

Le PQ pose ses conditions

Plus tard, jeudi, la chef péquiste Pauline Marois s'est montrée disposée à collaborer aux travaux mais elle a fixé deux conditions incontournables, dont l'impossibilité, pour le premier ministre, de recevoir de son parti une rémunération s'ajoutant au salaire qu'il reçoit pour sa fonction, ce qui forcerait M. Charest à renoncer à la somme de 75 000 $ que lui verse le Parti libéral du Québec.

«Il n'a qu'un seul maître et c'est la population du Québec, a-t-elle dit. Et c'est la population du Québec qui doit le rémunérer.»

A cela, Mme Marois ajoute aussi l'interdiction pour tout ministre de posséder une entreprise obtenant des contrats du gouvernement.

«Pour nous, en deçà de ces deux éléments, nous serons opposés à l'adoption du projet de loi», a-t-elle dit.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a déclaré que les allégations des derniers mois ont engendré beaucoup de cynisme face à la classe politique.

Des politiciens souffrent de l'incurie



Après la discours de M. Charest devant les membres de l'Union des municipalités du Québec, M. Labeaume a affirmé que l'ensemble des politiciens souffraient à cause de l'incurie constatée dans certains cas isolés.

«On a des problèmes d'incurie, dans la gestion municipale, et le problème c'est qu'on mange tous la claque, a-t-il dit. On passe tous pour des pareils et moi je suis révolté. Ceux qui ont mal géré leur ville, ils devraient s'excuser.»

Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a été aux prises avec plusieurs problèmes, l'an dernier, à la suite de l'octroi d'un contrat pour l'installation de compteurs d'eau, mais M. Labeaume n'a pas voulu préciser à qui s'adressait ses commentaires.

«Je vise ceux qui gèrent mal leur ville et qui n'ont pas été assez allumés pour savoir ce qui se passait chez eux», a-t-il dit.

Dans son discours, M. Charest a évoqué les priorités de son gouvernement concernant le monde municipal, ainsi que les faits saillants du dernier budget provincial.

Son allocution d'environ 30 minutes s'est terminée sur un segment portant sur l'éthique, au terme duquel le premier ministre a cité un extrait d'un discours de Theodore Roosevelt, qui a été président des Etats-Unis de 1901 à 1909.

«Ce n'est pas le critique, qui est digne d'estime, ni celui qui montre sur quoi l'homme fort a trébuché, ou comment l'homme d'action aurait pu faire mieux, a-t-il dit en reprenant les mots de l'ancien président. Tout le mérite appartient à l'homme qui descend vraiment dans l'arène, dont le visage est couvert de sueur, de poussière et de sang, qui se bat vaillamment.»

M. Charest a conclu en affirmant à son auditoire que ces paroles démontrent l'importance d'avoir des convictions, même si cela n'empêche pas les erreurs et les échecs.

«Theodore Roosevelt parlait de vous, de ceux qui descendent dans l'arène, qui acceptent de prendre des risques, qui aiment leur travail, leur ville, leur région et le Québec, a-t-il dit. Ceux qui le font avec passion et pour qui les critiques sont toujours moins fortes que leurs convictions.»