Le Vérificateur général du Québec doit «mettre son nez» dans le processus d'attribution des permis de garderie et de places subventionnées parce que «ça sent mauvais». Ce n'est pas le Parti québécois qui le dit, cette fois, mais bien un donateur libéral, Ezio Carosielli, propriétaire de 10 garderies privées. Cet avocat dénonce même l'existence d'un «marché de revente secondaire» dans lequel un permis de garderie pourrait atteindre 250 000$, voire un demi-million de dollars.

M. Carosielli se décrit comme une «connaissance» du ministre de la Famille, Tony Tomassi, avec qui il a notamment joué au golf. Il reconnaît que lui et sa famille ont contribué à la caisse du Parti libéral au cours des dernières années, comme l'a affirmé le député péquiste Nicolas Girard à l'Assemblée nationale mercredi (à hauteur de 14 000 $ depuis 2003, selon le PQ).

Mais il nie que le gouvernement lui ait accordé des avantages indus pour la création de sa chaîne de garderies Le Groupe Merveilles, dont il est propriétaire avec sa conjointe, Luisa Sassano, également membre du Barreau.

Selon lui, M. Girard a commis une «erreur» en l'associant à ce que le PQ appelle le «scandale des garderies libérales», une controverse alimentée par de multiples allégations faites depuis le mois de décembre.

Il trouve néanmoins «intéressantes» les questions qu'a posées jusqu'ici le député de Gouin, une circonscription dans laquelle se trouve l'une de ses garderies. Cinq autres se situent dans La Fontaine, détenue par le ministre Tomassi et où réside Ezio Carosielli.

«Je suis aussi scandalisé que vous par la façon dont les places ont été obtenues ! Le Vérificateur général devrait regarder ça», a affirmé M. Carosielli à La Presse, mercredi.

Selon lui, des personnes ont répondu à l'appel d'offres lancé par le gouvernement Charest en 2008 sans avoir la ferme intention d'ouvrir une garderie privée. Elles sont néanmoins parvenues à obtenir un permis assorti de quelques dizaines de places subventionnées. Mais elles ont ensuite revendu ce permis pour en tirer un profit, raconte M. Carosielli.

Il dit avoir lui-même reçu une proposition de «gens» qu'il a refusé d'identifier, qui voulaient lui vendre un permis. Il a refusé. «C'est évident que des gens ont obtenu un permis sans avoir l'intention d'ouvrir une garderie. Et ils revendent ça après», a-t-il dit. M. Carosielli a évoqué le cas de promoteurs qui voulaient ouvrir une garderie, qui ont connu diverses difficultés et qui n'ont pu mener à bien leur projet. Ils ont vendu le précieux permis avant que le ministère de la Famille ne le leur retire en raison des retards dans la réalisation du projet, a-t-il soutenu.

Lors de l'appel d'offres de 2008, M. Carosielli a soumis 33 propositions pour ouvrir autant de garderies. Elles ont toutes été rejetées.

Selon lui, plusieurs promoteurs qui ont obtenu des permis «ne sont pas les plus qualifiés» pour offrir des services de garde. M. Carosielli, qui a ouvert sa première garderie vers le milieu des années 90, s'étonne que des promoteurs aient obtenu des places subventionnées alors que leur projet avait reçu de mauvaises notes de la part du Ministère, comme l'a révélé le PQ.

«Celui qui obtient un permis du gouvernement, c'est tout un cadeau!», estime M. Carosielli, qui a acheté toutes ses garderies, sauf la première. À l'exception de ce cas, il n'a donc pas obtenu un permis directement du ministère de la Famille. Son plus récent achat lui a coûté 560 000 $ pour la garderie elle-même et à peu près la même somme pour l'immeuble qui l'abrite. Dans l'ensemble des transactions, il a payé de 7000 à 16 000 $ par place subventionnée - la mesure utilisée pour déterminer la valeur d'une garderie.

Ses 10 garderies comptent au total 800 places à 7 $ par jour, chacune ayant le maximum permis par la loi (80). Il reçoit 8 millions de dollars par année en subventions, ce qui couvre 80% des frais d'exploitation, selon lui. Il déclare un profit net de 500 000 $ par an. «C'est rentable, je ne me plains pas. Mais j'ai quand même 15 millions de dette, environ» (pour l'hypothèque des immeubles).

Alors que le PQ condamne l'existence de chaînes de garderies, M. Carosielli estime que «1, 5 ou 10 garderies, ce n'est pas ce qui importe. L'important, c'est la qualité. Et on offre un service de qualité. On est fier de notre réseau.»