Le père de la Loi sur le financement des partis politiques, l'ancien ministre péquiste Robert Burns, n'aime pas ce qu'il entend ces jours-ci sur sa loi, une loi «qui fait la fierté des Québécois».

En entrevue à La Presse Canadienne, l'ancien ministre de René Lévesque trouve que l'on ferait «une grave erreur» en permettant aux entreprises de contribuer au financement des partis politiques, comme l'ont suggéré certains, ou en balançant la loi par-dessus bord sous prétexte qu'elle est contournée par différents stratagèmes.

«Je trouve qu'on fait erreur quand on dit que la loi est contournée, donc qu'il faut abolir ça et permettre aux entreprises de contribuer. Je pense qu'on ferait une grave erreur. C'est un peu comme si on disait «les gens passent sur la lumière rouge, alors on va abolir les lumières rouges» ou n'importe quelle chose à laquelle les gens contreviennent», opine M. Burns, un juge à la retraite.

Il faudrait d'abord faire la preuve que la loi est si souvent contournée que cela, argue-t-il. Et même si tel était le cas, il vaudrait mieux alors poursuivre les contrevenants, puis ajuster la loi là où il le faut, s'il le faut, plaide-t-il.

«Au contraire, on devrait s'attarder à essayer d'améliorer la loi. Peut-être qu'elle a besoin d'être améliorée, peut-être que les contrevenants, les personnes qui sont des prête-noms de compagnies, s'il en est, peut-être qu'on devrait les viser par une amende beaucoup plus importante pour les dissuader de poser ces gestes-là», avance-t-il.

La Loi sur le financement des partis politiques avait été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1977, se rappelle M. Burns. La limite des contributions avait été fixée à 3000 $.

M. Burns suggère d'autres voies pour renforcer la loi. «Peut-être aussi qu'il faut accorder plus de pouvoirs au Directeur général des élections, comme faire des enquêtes auprès des compagnies et aller voir dans les livres.»

«S'il le faut, qu'on durcisse des mesures. Une loi, ce n'est pas fait pour rester comme ça de façon éternelle. S'il y a des ajustements à faire en cours de route, qu'on le fasse. Mais moi, je ne comprendrais pas qu'on passe outre à ces principes de base-là qu'on a mis dans la loi et qui, à mon avis, fonctionnent assez bien.»

L'ancien ministre trouve même réducteur d'affirmer que sa loi a été détournée de son objectif premier d'assurer le financement populaire des partis politiques.

«Non, je ne crois pas. Les gens sont encore très fiers (de cette loi). On l'a imitée au fédéral et dans d'autres provinces. C'était vraiment unique à l'époque. Je me souviens qu'il y a des gens aux États-Unis, de certains États des États-Unis, qui nous ont dit «on aimerait bien passer une loi comme ça chez nous', même avec toutes les difficultés que ça posait.»

Le père de la Loi sur le financement des partis politiques trouve inquiétant d'entendre des ministres du gouvernement libéral affirmer que les entreprises peuvent légalement contribuer au financement des partis politiques au Québec. Le Directeur général des élections doit d'ailleurs faire des vérifications à ce propos afin de déterminer si une enquête doit être ouverte.

«C'est un peu inquiétant quand on entend des ministres. Ca commence à faire plusieurs lapsus», opine M. Burns. Il n'a pas voulu commenter plus avant, puisque le DGE doit se pencher sur le dossier.