Les vagues provoquées par le yacht de l'entrepreneur en construction Tony Accurso se sont transformées en tempête, cet automne, pour le premier ministre Jean Charest.

M. Charest a été repoussé dans ses derniers retranchements à plusieurs reprises, notamment en octobre, lorsqu'il a dû nier que trois de ses ministres avaient séjourné sur le bateau de M. Accurso, un homme d'affaires qui défraie la manchette depuis le printemps dernier à cause de sa proximité avec des décideurs publics.

L'intégrité de M. Charest a aussi été mise en doute par l'opposition. Les péquistes ont soutenu que le premier ministre refuse de mandater une enquête publique sur la construction afin de protéger des entrepreneurs qui contribuent au Parti libéral du Québec.

Alors qu'il tentait, début décembre, de dresser un bilan positif de ses interventions pour juguler le ralentissement économique au Québec, M. Charest a ainsi dû se défendre de faire passer les intérêts de son parti, qui lui verse un salaire de 75 000 dollars s'ajoutant à sa rémunération de fonction, avant ceux de la population.

Durant l'automne, un psychodrame entourant un possible déclenchement électoral à Ottawa, des élections municipales, une rocambolesque course à la direction à l'Action démocratique du Québec et la pandémie de grippe A (H1N1) n'auront pas empêché les allégations de malversation dans la construction d'entraver la marche du gouvernement.

Quelques jours avant la rentrée parlementaire, le gouvernement a affronté un premier coup de tabac lorsque le ministre du Travail, David Whissell, a choisi de quitter le conseil des ministres, au terme d'une controverse suscitée par ses liens avec une entreprise d'asphaltage ayant obtenu deux contrats publics sans appel d'offres.

Le député Jean D'Amour, ancien président du PLQ, a ensuite provoqué une onde de choc, lorsqu'il a décidé de se retirer du caucus libéral, en novembre, le temps qu'une enquête policière détermine s'il a ou non été mêlé à un cas de contribution politique illégale.

M. D'Amour a admis qu'un entrepreneur en construction lui avait fait parvenir, il y a deux ans, une enveloppe d'argent comptant destinée à un candidat à la mairie de Rivière-du-Loup.

L'actualité automnale aura été traversée par un fil continu de reportages exposant des cas potentiels de collusion et de trafic d'influence dans l'octroi de contrats publics d'infrastructures, où le gouvernement a prévu d'investir plus de 40 milliards au cours des prochaines années.

À ce titre, la campagne électorale montréalaise a été fertile, en octobre, notamment lorsque Benoit Labonté, numéro deux de l'opposition, a retiré sa candidature avec fracas, après avoir été éclaboussé par des allégations de financement politique illicite et sa relation trouble avec M. Accurso.

Dans une longue entrevue à la télévision, M. Labonté a soutenu qu'un système mafieux régissait les appels d'offres municipaux et que les dons illégaux étaient pratique courante à Montréal.

M. Labonté a aussi lancé un pavé dans la mare en soutenant que trois ministres avaient été reçus sur le yacht de M. Accurso, des affirmations aussitôt contredites par M. Charest et les trois intéressés, M. Whissell, la ministre des Transports Julie Boulet et son délégué Norman MacMillan.

Tout au long de l'automne, les libéraux ont multiplié les initiatives pour tenter d'endiguer ce flot continu d'allégations touchant le secteur de la construction.

Le gouvernement a mis sur pied une escouade spéciale comptant 40 policiers affectés uniquement à ce dossier. Des projets de loi ont aussi été déposés afin de resserrer l'octroi des contrats publics ainsi que les règles entourant les dons aux partis politiques.

La résolution du gouvernement à ne pas instituer d'enquête publique a cependant été mise à mal, peu avant la fin de la session parlementaire.

À la mi-novembre, le vérificateur général Renaud Lachance a déposé son plus récent rapport, dans lequel il a relevé qu'un cas de collusion dans l'octroi de contrats de déneigement était resté lettre morte, au ministère des Transports du Québec (MTQ).

M. Lachance a aussi souligné que le MTQ avait commis plusieurs irrégularités dans la gestion de ses appels d'offres, dont un cas impliquant ABC Rive-Nord, l'entreprise d'asphaltage dont M. Whissell est copropriétaire, par l'entremise d'une fiducie.

Ces observations ont fourni de nouvelles munitions à l'opposition. Les péquistes sont notamment revenus à la charge en demandant la démission de Mme Boulet et de M. MacMillan.

Entrant dans le débat, les policiers et les procureurs de la Couronne ont eux-aussi contribué à affaiblir les positions du gouvernement, qui a jusqu'ici marqué une préférence pour les enquêtes policières et le processus judiciaire.

Par le truchement de leurs représentants syndicaux, les policiers de Montréal, de la Sûreté du Québec et les substituts du procureur général ont réclamé une enquête publique, soutenant que leur travail ne permettrait pas de mettre à jour tout système criminel qui pourrait miner l'attribution des contrats publics.

Si les plus récents sondages montrent que la majorité des Québécois est aussi favorable à une enquête publique, ils indiquent aussi que les libéraux sont en perte de vitesse dans les intentions de vote.

À ce titre, la période des fêtes sera déterminante pour le gouvernement. Mais il faudra attendre la nouvelle année pour savoir si le ralentissement de l'actualité lui aura été salutaire.

Ou si, au contraire, il aura plutôt contribué à ancrer le mécontentement de la population, ce qui pourrait obliger les libéraux à revoir leur position.