Une campagne au leadership ratée, un chef limogé et vengeur, un président qui bafoue les règles, deux élus qui claquent la porte, l'Action démocratique du Québec en a eu plein les bras en 2009.

Comme si cela ne suffisait pas, l'ADQ doit tolérer dans ses rangs un élu qui vit une histoire d'amour avec une députée libérale, vice-première ministre de surcroît.

De fait, les Québécois ont été témoins durant la dernière année d'une spectaculaire opération d'autodestruction d'un parti qui formait l'opposition officielle du Québec à peine un an plus tôt.

Désigné chef par ses pairs aux abois, le mois dernier, le député de Chauveau, Gérard Deltell, devra réussir le tour de force de sauver la barque du naufrage.

La descente aux enfers de l'ADQ en 2009 ne peut être attribuable aux médias, aux grands syndicats ou aux manoeuvres des vieux partis, les trois boucs émissaires qu'évoquait généralement l'ancien chef Mario Dumont pour expliquer les déboires de sa formation.

Cette fois, ce sont les adéquistes eux-mêmes qui ont conduit l'Action démocratique dans un cul-de-sac et le rôle joué à cet égard par l'ancien numéro deux du parti et chef déchu, Gilles Taillon, ne peut être passé sous silence.

La campagne à la direction, au printemps 2009, était pourtant l'occasion de mobiliser les troupes et de redonner un souffle nouveau à la formation après la débâcle électorale de décembre 2008 et le départ du chef-fondateur Mario Dumont.

L'ex-bras droit de M. Dumont, Gilles Taillon, s'annonçait comme un candidat solide et crédible à la succession jusqu'à ce qu'une série d'incidents étranges n'entachent sa réputation et celle de son parti.

Ses sorties agressives à l'endroit de son principal adversaire, Éric Caire, ont surpris nombre d'observateurs de la chose politique.

Engagé dans une course serrée avec M. Caire, M. Taillon s'est transformé, à compter du mois de septembre, en une sorte de grand inquisiteur exigeant sur toutes les tribunes disponibles l'excommunication de son rival.

M. Taillon accusait le député de La Peltrie d'être un menteur et un tricheur qui avait falsifié son curriculum vitae.

Apparemment, l'omission malheureuse d'un tiret sur son parcours académique laissait croire, à tort, que M. Caire détenait un baccalauréat en communication.

Falsification ou simple maladresse, le curriculum vitae «embelli» de M. Caire l'a hanté jusqu'au dernier droit de la campagne.

À la mi-septembre, la course a pris un tournant inattendu lorsque M. Taillon a évoqué la possibilité d'abandonner la partie à cause d'une récidive du cancer de la prostate.

L'ancien président du Conseil du patronat a laissé les médias spéculer des heures durant sur la suite des choses avant de révéler en «exclusivité» à l'animateur Jean-Luc Mongrain sa décision de rester sur les rangs.

À partir de ce moment, M. Taillon s'est éclipsé, déléguant l'essentiel de ses activités à son président de campagne François Bonnardel.

À quelques jours du congrès du parti, la course à la succession de Mario Dumont était devenue un sujet de railleries dans les médias et chez bon nombre d'adéquistes convaincus.

Le 18 octobre, les militants choisissaient M. Taillon, âgé de 64 ans, par une seule voix de majorité sur Éric Caire et loin devant le troisième et dernier candidat en lice, Christian Lévesque.

Moins de 4000 militants s'étaient donné la peine d'inscrire leurs choix par téléphone, le tiers seulement des membres du parti.

Élu par une marge infime, Gilles Taillon a affiché une attitude autoritaire et cassante dès sa première rencontre avec son caucus.

Plutôt que de rétablir les ponts avec M. Caire, le nouveau chef lui a refusé le poste qu'il convoitait, celui de chef parlementaire.

En quelques semaines, M. Taillon est parvenu à se mettre à dos les fondateurs du parti, Mario Dumont et Jean Allaire, de même que l'ensemble des députés de l'ADQ.

Même Janvier Grondin, de Beauce-Nord, un agriculteur jovial et à l'humeur débonnaire admettait regretter d'avoir appuyé le chef élu.

Mais la coupe n'était pas encore tout à fait pleine. Le 9 novembre, le président du parti, Mario Charpentier, démissionnait après avoir admis avoir financé la campagne de M. Taillon, en contravention avec son devoir de neutralité.

Dégoûté et humilié par la séquence des événements, Éric Caire s'est alors rebiffé, claquant la porte du parti en compagnie de son principal lieutenant de campagne, le député de Chaudière-Appalaches, Marc Picard.

Le 10 novembre, sentant la pression s'accentuer de jour en jour, M. Taillon consentait à abdiquer, à condition que soit tenue une nouvelle course à la direction.

Le chef en sursis ne s'est pas limité à dicter ses conditions. Il s'est assuré d'éclabousser tous ses collègues en prétendant, sans donner le moindre détail, avoir découvert «certains aspects un peu troublants» dans le financement du parti depuis 2003.

Le jour suivant, Gilles Taillon lançait une nouvelle bombe politique, accusant cette fois Mario Dumont et l'ex-argentier du parti, le sénateur conservateur Léo Housakos, d'avoir fomenté un putsch contre lui.

Cette nouvelle péripétie a sonné le glas de la carrière politique de Gilles Taillon, chassé de son poste par les députés le 18 novembre.

Les trois parlementaires orphelins de l'ADQ ont confié leurs destinées à Gérard Deltell, un ancien journaliste doté d'une forte personnalité mais sans grande expérience politique.

Peu connu à l'extérieur de la région de Québec, M. Deltell s'est surtout fait remarquer pour sa croisade en faveur de l'«Autoroute de la Bravoure» un tronçon de voie rapide qu'il voulait baptiser en l'honneur des soldats de Valcartier engagés dans la mission afghane.

La Commission de toponymie a décliné la requête.

Sinon désespérée, la tâche s'annonce périlleuse pour l'ex-reporter de la défunte TQS. Il est à la tête d'un groupe de trois députés, dont l'un des plus talentueux, François Bonnardel, de Shefford, a les mains liées par sa relation amoureuse avec la vice-première ministre Nathalie Normandeau.

Sans le sou et désertée par ses militants, l'ADQ est plus que jamais, à l'aube de 2010, à la croisée des chemins.