Après François Legault il y a six mois, Pauline Marois perd un deuxième soldat dans sa traversée du désert au sein de l'opposition. Camil Bouchard a annoncé lundi sa démission à titre de député de Vachon, se disant usé par presque sept années passées loin du pouvoir.

La chef péquiste, qui l'avait convaincu en 2003 de faire le saut en politique, n'a pas réussi à le retenir. «J'ai 64 ans et, à cet âge, on se rend compte tous les jours que le temps devient de plus en plus précieux. Le sentiment de ne pas me sentir aussi utile que je le pourrais devient de plus en plus difficile à supporter», a expliqué le député démissionnaire en conférence de presse.Six ans et huit mois passés sur les banquettes de l'opposition ont eu raison de M. Bouchard, qui n'aura jamais été membre du gouvernement. «Ça fait sept ans que je perds quasiment tous mes votes! a-t-il lancé. Étant loin du pouvoir, on a moins de possibilités d'influencer et de développer des politiques qu'on voudrait voir s'installer.»

«J'aurai sans doute contribué à changer le monde davantage comme chercheur que comme politicien», a-t-il ajouté.

Avant de se présenter sous la bannière péquiste, M. Bouchard était professeur et chercheur au département de psychologie de l'UQAM. Il avait mené plusieurs groupes d'études pour le gouvernement du Québec.

«Je constate après presque sept ans que j'aurai moins aimé faire de la politique que faire des politiques», a dit l'auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants, commandé par le ministre libéral Marc-Yvan Côté et publié en 1991. Ce rapport avait propulsé sa carrière universitaire et inspiré Pauline Marois pour la création du réseau des centres de la petite enfance (CPE).

Camil Bouchard envisage de faire un retour à l'UQAM. Il est en congé sans solde depuis son départ en 2003.

Le péquiste a amorcé une réflexion sur son avenir politique en mars. Il serait resté si le PQ avait remporté les dernières élections. Il reconnaît que mettre fin à un mandat, sollicité il y a tout juste un an, n'est «pas glorieux». «Je le fais parce que je ne me sens plus capable de donner ma pleine mesure», a-t-il expliqué.

M. Bouchard a réitéré ses convictions souverainistes. «Je ne quitte pas parce que je pense que la souveraineté serait inaccessible, bien au contraire.»

La gorge nouée par l'émotion, il a rendu hommage à Pauline Marois. Il ne l'avait toutefois pas appuyée lors de la course à la direction du parti en 2005. Il était le seul député à avoir soutenu la candidature de l'ex-mandarin Louis Bernard.

Camil Bouchard s'est dit «accablé» par les «odeurs de corruption, de malversations et de collusion» qui circulent à l'heure actuelle, un facteur qui a contribué à son départ. Il était depuis peu critique en matière d'immigration et d'affaires autochtones, après s'être chargé de la solidarité sociale, de la famille, de l'éducation et de l'environnement. Surtout, M. Bouchard, associé à l'aile gauche, était sollicité dans l'élaboration des politiques sociales et familiales du PQ. Il participera à la préparation d'un colloque que tiendra le parti en mai sur le thème de l'égalité des chances.

Les fins de session parlementaire se suivent et se ressemblent pour Pauline Marois. En juin, c'était François Legault, le meilleur compteur de l'équipe péquiste à l'Assemblée nationale, qui avait annoncé son départ. Au courant de la décision de M. Bouchard depuis quelques semaines, la chef péquiste se dit «attristée» de perdre un autre «député de très grande qualité». Elle assure que son équipe est «très motivée» malgré le travail «difficile» et «frustrant» de l'opposition.

Le premier ministre Jean Charest dispose de six mois pour déclencher une élection partielle dans Vachon, péquiste depuis 1994. Après deux élections serrées, M. Bouchard a récolté une majorité de près de 4500 votes l'an dernier. Le PLQ a détenu cette circonscription de 1985 à 1989.