Il n'y aura pas d'exploitation de mine d'uranium à Sept-Îles si la population s'y oppose, a promis hier matin le ministre délégué aux Mines, Serge Simard, à l'Assemblée nationale.

«Si les conditions ne sont pas remplies, mais surtout si la population de Sept-Îles ne souhaite pas ce projet, il est très clair que le gouvernement va respecter la volonté de la population de Sept-Îles et de ses environs», a soutenu le ministre.

Il réagissait ainsi à l'annonce de la démission d'une vingtaine de médecins du Centre hospitalier de Sept-Îles qui ont décidé de quitter la région et, dans certains cas, la province, pour s'opposer à un projet de mine d'uranium. Par la loi, toutefois, les médecins doivent donner un préavis de quelques mois avant d'abandonner leur poste à l'hôpital de Sept-Îles.

À la dernière journée de travaux à l'Assemblée nationale, hier, la députée péquiste de Duplessis, Lorraine Richard, a en vain tenté d'obtenir une réponse du premier ministre Charest sur cette question. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a pour sa part souligné qu'on était uniquement à l'étape de la prospection, et qu'il n'y avait pour l'heure aucune activité néfaste pour la santé publique sur le terrain. «Ce sont 20 médecins qui quittent, ils ont signé une lettre. Cela mérite que le premier ministre s'y intéresse!» a lancé Mme Richard, furieuse.

Plus tard, en point de presse, elle est revenue à la charge. L'intention des médecins n'est pas «une menace en l'air», leur départ frappera durement une région où «il y a déjà un manque flagrant d'effectifs». À propos du projet de mine d'uranium, elle souligne que la société Terra Ventures a déjà fait des forages de prospection sur un terrain près de la rivière Moisie, qui alimente la ville de Sept-Îles en eau. L'emplacement, situé à une vingtaine de kilomètres de la ville, a été laissé à l'abandon par la minière - les trous forés sont toujours à l'air libre, et la présence potentielle de radon est inquiétante, ont fait savoir des citoyens hier en commentant la nouvelle sur Cyberpresse.

L'absence d'engagement du gouvernement, «c'est risible, le ministre sait déjà que le ministère des Ressources naturelles a donné le permis à la compagnie pour une route d'accès. Les médecins partent et on va fermer le centre hospitalier, a lancé Mme Richard. On ne veut pas d'uranium à Sept-Îles.»

L'affaire a dérapé à l'Assemblée nationale quand la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a demandé, dans des échanges à bâtons rompus, si la région de Sept-Îles voulait tout de même du développement économique amené par le projet de la Romaine. Le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard, a bondi et a qualifié d'odieux chantage de mettre ainsi en balance la santé publique et le développement économique. «Cela voulait dire : on s'occupe de ta région... on vous a donné la Romaine, alors que cela n'a rien n'a voir», a dit Mme Richard par la suite.

«J'ai rencontré les médecins en juin, ils m'ont fait part de leurs inquiétudes. La santé publique a émis un avis disant que l'exploration ne comporte aucun danger. C'est très prématuré», a déclaré le ministre Yves Bolduc.

Dans une lettre destinée au ministre Bolduc, les médecins expliquent leur décision par la réalisation imminente d'un projet de mine d'uranium dans la région. Ils mettent en garde contre les conséquences néfastes pour la santé humaine de la radioactivité liée aux mines d'uranium.

Les médecins comprennent l'impact de leur départ sur la population et sur les effectifs médicaux. Ils estiment toutefois qu'ils trahiraient leur code d'éthique en restant muets devant cette menace. Les médecins se disent conscients que le mouvement qu'ils enclenchent risque d'entraîner d'autres départs et nuira à tout recrutement futur.

En novembre 2008, 34 médecins du centre de santé et des services sociaux de Sept-Îles avaient manifesté leur opposition à des projets d'exploration et d'exploitation de mines d'uranium dans leur région et avaient demandé un moratoire. Dans la foulée, plusieurs municipalités de la Côte-Nord et des organismes ont exigé à leur tour auprès des ministères de l'Environnement et des Ressources naturelles un tel moratoire.

Ils soulignent que des sociétés ont recommencé leurs activités dans leur région après avoir obtenu l'autorisation de construire une route d'accès à un site d'exploration et d'exploitation d'uranium à Sept-Îles. Ils y voient un message clair que la réalisation d'un projet d'une mine d'uranium dans le voisinage de la municipalité est une chose imminente, malgré le tollé.