Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, se dit «perturbé» par les situations de conflits d'intérêts que le vérificateur général a relevées dans les Fonds d'intervention économique régionaux (FIER). Il resserre les règles, mais maintient que les FIER sont bien gérés dans l'ensemble.

Dans son rapport spécial déposé à l'Assemblée nationale, le vérificateur général (VG) Renaud Lachance confirme que des FIER ont violé les politiques d'investissement et les règles de gouvernance, notamment en matière de conflits d'intérêts. Mais «de façon générale», les 30 FIER ont respecté les conventions.Pour l'opposition, le VG confirme le laxisme qu'elle avait dénoncé le printemps dernier. Aux yeux de Clément Gignac, «le ballon s'est dégonflé», car «le vérificateur général ne fait aucune allusion de gestes illégaux, de fraude ou de malversation».

Créés en 2004, les FIER ont pour mandat de rendre disponible du capital de risque dans les régions pour le démarrage ou le développement d'entreprises. Ils sont financés aux deux tiers par l'État, qui a alloué 189,1 millions de dollars jusqu'à maintenant.

Selon le rapport du VG, parmi les 246 placements réalisés dans 210 entreprises au 30 juin, 75 ont fait l'objet d'une divulgation d'intérêts, c'est-à-dire que des administrateurs de FIER ont confirmé avoir des intérêts dans l'entreprise appelée à recevoir de l'aide. Le VG n'a pas découvert de situations où les intérêts n'ont pas été divulgués. Dans 23 décisions, les administrateurs qui ont déclaré leurs intérêts ont tout de même participé au vote lors de l'autorisation de l'investissement du FIER, ce qui contrevient aux règles. Pour 10 de ces cas, un fonds privé et des FIER, dirigés par les mêmes administrateurs, ont fait des investissements dans les mêmes entreprises.

«Ça me perturbe, ce genre de choses-là», a affirmé Clément Gignac en conférence de presse. Désormais, comme le recommande le VG, un administrateur ou un actionnaire d'un FIER devra se retirer au moment des discussions et du vote sur un investissement dans une entreprise où il a des intérêts.

Quatre FIER sont constitués de trois administrateurs. Et à six reprises, un seul administrateur a autorisé un placement dans une entreprise où les deux autres avaient des intérêts, révèle le VG. Clément Gignac a annoncé que les FIER devront être administrés par au moins cinq personnes, dont au moins trois résidants dans la région d'origine. Aux réunions du CA, un quorum de trois personnes qui n'ont aucun intérêt dans les entreprises concernées lors de décisions est maintenant exigé. Un observateur mandaté par Investissement Québec, qui supervise les FIER, devra assister à toutes les réunions, ce qui n'était pas toujours le cas dans le passé.

Selon le rapport du VG, un FIER a fait un prêt de 250 000$ à ses propres administrateurs pour investir dans une entreprise qui a bénéficié d'un de ses placements, ce qui est interdit selon les politiques d'investissement. Dans un autre cas, 60% d'un investissement d'un million de dollars est allé à un particulier - 200 000$ plus un prêt de 400 000$ à un taux de 8% remboursable en 2012. Or les FIER ne doivent investir que dans des entreprises.

Selon le VG, 7 des 30 FIER n'ont pas respecté la règle qui les oblige à avoir au moins 50% de leurs placements dans la région déterminée au moment de leur création. L'un avait fait seulement 27% des placements dans la région, au 30 juin.

Pour l'instant, Clément Gignac ne change rien aux règles relatives à la répartition géographique des investissements. Il attend ce mois-ci un autre rapport, commandé à Louis Roquet, ancien PDG d'Investissement Québec et nouveau directeur général de Montréal.

Pour le député péquiste Jean-Martin Aussant, les administrateurs et les actionnaires d'un FIER ne devraient avoir aucun intérêt dans les entreprises soutenues par le fonds. Dans certains cas, «on trouve que des sanctions devraient être appliquées. C'est un cas grave d'utilisation de fonds publics à des fins pratiquement personnelles», a-t-il dit. Le député adéquiste François Bonnardel trouve inacceptable que les FIER investissent surtout à Montréal et les environs, et non dans les régions.