La chef du Parti québécois, Pauline Marois, exige la démission des ministres responsables des Transports, Julie Boulet et Norman MacMillan, car, à ses yeux, ils se sont rendus «complices» d'un système de collusion. Elle les accuse en plus d'avoir «couvert» des irrégularités dans l'attribution d'un contrat sans appel d'offres à une entreprise d'asphaltage dans laquelle leur collègue David Whissell a des intérêts.

Brandissant le rapport déposé par le vérificateur général, Mme Marois a relancé mercredi sa demande d'enquête publique. Et elle a réclamé que des têtes roulent.La chef péquiste a reproché aux ministres Boulet et MacMillan de ne pas avoir alerté les autorités policières après qu'une enquête de leur ministère eut conclu qu'«on a clairement essayé d'éliminer la concurrence» dans le processus d'appel d'offres concernant des contrats de déneigement en 2004.

«En vertu de la responsabilité ministérielle, ça les amène à être jusqu'à un certain point complices de ce qui s'est passé, puisqu'ils ont cautionné ce qui s'est passé au ministère des Transports, a affirmé Mme Marois en conférence de presse. C'est un comportement qui est inacceptable parce que ça vient protéger des systèmes qui, à leur face même, vont à l'encontre des règles élémentaires de justice.»

Julie Boulet dit avoir appris l'existence de cette affaire mercredi seulement, dans le rapport du vérificateur général. «Je n'étais pas au courant. Et j'ai été choquée d'apprendre ça. On ne peut pas réécrire l'histoire, mais, ce que je peux vous assurer, c'est qu'une telle situation ne se reproduira pas», a souligné Mme Boulet qui, en 2004, était ministre déléguée aux Transports - Yvon Marcoux était le ministre en titre.

Elle a laissé planer une menace de poursuite contre Pauline Marois. «Elle devrait être très prudente parce que je ne laisserai pas passer des choses dans lesquelles on peut m'accuser de quoi que ce soit.» Mme Boulet a déjà envoyé une mise en demeure à la députée adéquiste Sylvie Roy après que celle-ci eut soutenu que trois ministres s'étaient rendus sur le luxueux yacht de l'entrepreneur en construction Tony Accurso.

Pour Pauline Marois, «si les ministres n'ont pas été informés» du résultat de l'enquête menée par le Ministère, «ils doivent, malgré tout, en assumer la responsabilité ministérielle».

La chef péquiste reproche également aux deux ministres d'avoir invoqué de «faux motifs» afin de «couvrir» des irrégularités dans l'attribution d'un contrat sans appel d'offres à ABC Rive-Nord l'an dernier. Le député libéral et ex-ministre David Whissell détient des intérêts - une participation de 20% - dans cette société, intérêts placés dans une fiducie sans droit de regard.

Le ministère des Transports avait invoqué l'absence de concurrence pour justifier l'attribution de ce contrat de gré à gré, un discours repris par les ministres Boulet et MacMillan. Dans son rapport, le vérificateur général démontre qu'«il y avait concurrence». Il ajoute que le Ministère a fait affaire avec ABC Rive-Nord alors que c'est une autre entreprise qui était visée par une autorisation du Conseil du Trésor.

«Les deux ministres en cause ont cherché à couvrir ce processus irrégulier et tout ça au profit d'une entreprise qui appartient en partie à un membre du Conseil des ministres à l'époque, a tonné Pauline Marois. Je comprends maintenant peut-être pourquoi le premier ministre ne veut pas une enquête publique, parce que ce sont ses propres ministres qui seraient enquêtés et questionnés.»

De son côté, la députée adéquiste Sylvie Roy «ne réclame pas encore la démission» des ministres Boulet et MacMillan, et demande le déclenchement immédiat d'une enquête publique.

À l'Assemblée nationale, la période des questions a viré à la foire d'empoigne. Les péquistes Stéphane Bédard, Agnès Maltais et Stéphane Bergeron ont lancé que le gouvernement a «contourné les règles», mené une «opération de couverture» et «manoeuvré pour protéger» un «système corrompu».

Norman MacMillan a bondi de son siège. «Le ministère des Transports a fait sa job puis, depuis 2005, fait sa job encore plus difficilement pour les contrats qui sont attribués. Arrêtez donc de faire ça, ces niaiseries-là!»

Visiblement exaspéré par les attaques de l'opposition, il a ensuite lancé: «Écoutez! Écoutez! Écoutez! Vous allez être contents lorsqu'on va investir chez vous après.» Le PQ l'a aussitôt accusé de vouloir «intimider» les députés.

Interpellé dès le début de la période des questions, le premier ministre Jean Charest ne s'est levé qu'à la toute dernière minute pour accuser le PQ de détourner le sens du rapport du vérificateur général. Le Ministère «a fait sa job en 2004» au sujet des contrats de déneigement, a mené une enquête puis est retourné en appel d'offres, a-t-il dit.