Fauchée et désorganisée, l'ADQ se dirige vers le couronnement rapide d'un nouveau chef pour succéder à Gilles Taillon. Élu il y a tout juste un an, le député de Chauveau, Gérard Deltell, a vite fait consensus tant chez les députés que dans les instances du parti toujours dans la tourmente.

Les fondateurs de l'ADQ, Mario Dumont et Jean Allaire, plaident tous deux en faveur du couronnement de l'ex-reporter de TQS, devenu V.

Dans une courte déclaration publique, Gilles Taillon a annoncé mardi qu'il quittera la barre de l'ADQ «pour mettre fin aux luttes intestines stériles» qui paralysent le parti depuis son élection comme chef, par une infime majorité, il y a seulement trois semaines.

Au surplus, il a lancé toute une bombe en affirmant qu'il a découvert «certains aspects un peu troublants» dans le financement du parti depuis 2003. Il compte appeler la Sûreté du Québec.

Gilles Taillon entend rester en poste «jusqu'à ce que le parti nomme un nouveau chef au suffrage universel des membres», un message qu'il avait livré plus tôt aux quatre députés adéquistes réunis à huis clos pour discuter de son leadership. M. Taillon demande aux dirigeants de l'ADQ de préparer une nouvelle course au leadership, dans laquelle il ne sera pas candidat.

Or le scénario d'une nouvelle course est rejeté quasi unanimement. «La vraie question est : l'ADQ a-t-elle les moyens de se permettre une course au leadership avec trois ou quatre candidats qui va durer des mois alors qu'on vient d'en avoir une ? Ou est-ce qu'il ne serait pas plus souhaitable d'avoir un ralliement autour d'un candidat ? Il y a beaucoup d'yeux qui se tournent vers un candidat talentueux qui s'appelle Gérard Deltell», a affirmé l'ancien chef adéquiste Mario Dumont à son émission quotidienne sur les ondes de V.

Adéquiste de la première heure, conjointe de M. Dumont, Marie-Claude Barrette prend fait et cause pour Gérard Deltell, qui deviendrait chef à la faveur d'un «couronnement», a-t-elle dit à La Presse. Pour elle, Deltell a «énormément de charisme et a l'émotion qui manque actuellement à l'ADQ».

Le départ «d'adéquistes profonds comme Éric Caire et Marc Picard» est un signe important que rien ne va plus au parti. «M. Taillon n'a pas fait les bons gestes. Quand tu es élu à 50% plus un, il faut mettre de l'eau dans son vin», a-t-elle résumé.

Jean Allaire voit lui aussi d'un très bon oeil le couronnement rapide de Gérard Deltell. «C'est quelqu'un qui n'a pas été mêlé aux querelles intestines. Il est aimé chez les membres. Il est bien perçu dans la population aussi. C'est peut-être la solution pour ramener la paix», a-t-il dit. M. Allaire désapprouve l'idée d'une nouvelle course à la direction qui ne ferait selon lui que diviser encore davantage les troupes. Gilles Taillon ne pouvait plus rester à la barre de l'ADQ puisque «c'était devenu intenable», a-t-il ajouté.

Arrêter le «vaudeville»

Candidat défait à la direction de l'ADQ, Christian Lévesque souhaite «ardemment» le couronnement rapide de M. Deltell afin «d'arrêter le vaudeville». «Gérard Deltell a tout ce qu'il faut», a-t-il dit de la Floride. L'ex-député de Lévis ne veut pas d'une autre course à la direction et rejette l'idée de proposer à nouveau sa candidature.

À l'intérieur du minuscule caucus adéquiste, le nom de Gérard Deltell a fait consensus rapidement. Janvier Grondin est depuis longtemps un supporter du député de Chauveau. Sylvie Roy voit son arrivée d'un bon oeil. Même François Bonnardel, qui a coprésidé la campagne de M. Taillon, est prêt à se rallier. Une nouvelle course à la direction serait tough, a-t-il dit. Quant à Gérard Deltell, il est très intéressé à prendre la succession.

Croisé mardi à la sortie du Salon bleu du parlement, M. Deltell n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse. Lundi, il avait refusé de s'engager à demeurer député au sein de la formation dirigée par M. Taillon, mais le départ du chef change tout. En mai dernier, M. Deltell avait dit subir d'»intenses pressions» pour se porter candidat à la succession de M. Dumont. Le discours enflammé qu'il avait prononcé devant les militants adéquistes réunis en conseil général avait fait sensation. Il avait toutefois finalement renoncé à se lancer dans la course.

Une réunion de l'exécutif de l'ADQ devrait avoir lieu cette semaine. L'ex-députée Linda Lapointe, coprésidente de la campagne de Gilles Taillon, aura à la présider. Mario Charpentier, accusé d'avoir manqué à son devoir de neutralité en contribuant à la campagne de M. Taillon, a démissionné de son poste de président du parti lundi.

Jointe mardi, Linda Lapointe a soutenu que M. Taillon n'aurait pas dû annoncer son départ si vite. «J'éprouve une grande déception. On aurait pu faire encore beaucoup de chemin avec M. Taillon», a-t-elle dit.

À l'intérieur de l'ADQ, on confirme que le parti ne peut se lancer dans une nouvelle course, tant du point de vue financier qu'organisationnel. «L'ADQ c'est déjà une coquille vide, il n'y a déjà plus rien... C'est bien triste ce qui se passe», a observé Jean Simon Venne, organisateur et directeur général du parti pendant plusieurs années.