Le Directeur général des élections du Québec ouvre la porte à des changements audacieux dans la loi sur le financement des partis politiques. Marcel Blanchet lancera une consultation sur l'idée, notamment, de permettre aux entreprises de contribuer aux caisses électorales selon des règles strictes.

Il annoncera aujourd'hui la création d'un «jury citoyen sur le financement politique». Ce jury sera formé d'électeurs sélectionnés à la suite d'un appel de candidatures. Des experts leur donneront une formation sur les règles du financement politique.

Le jury fera ensuite le «procès» du système actuel, ébranlé par une série de révélations et de scandales au cours des dernières semaines. Devant ce jury défileront tous les citoyens et les groupes - y compris les partis politiques - qui souhaitent se prononcer sur le sujet. La consultation aura lieu à compter de la mi-janvier.

La question de la contribution des entreprises au financement des partis, actuellement interdite, sera au coeur du débat, a indiqué Marcel Blanchet en entrevue à La Presse, lundi. «Dans le passé, cette question est revenue de façon récurrente. Elle revient encore aujourd'hui. Je pense qu'il faut vider la question.»

Marcel Blanchet a rappelé que cette mesure a été soumise à son groupe de réflexion, mais que les partis politiques qui en sont membres - PLQ, PQ et ADQ - «ne l'ont pas retenue». Le DGE a décidé de remettre le sujet sur le tapis malgré tout.

Dans le rapport du groupe de réflexion, rendu public en 2007, les partis ont cependant reconnu le problème des contributions illégales faites par certaines entreprises, qui remboursent à leurs employés les dons versés à un parti. Ils ont recommandé de modifier la loi pour préciser qu'une contribution doit être faite sans contrepartie et qu'elle ne peut faire l'objet d'un quelconque remboursement par un tiers.

Mais les partis ont refusé d'aller jusque-là, au motif que cela accentuerait le «désengagement» des citoyens. Ils ont ainsi rejeté une recommandation du juge à la retraite Jean Moisan, qui avait produit en 2006 un rapport d'enquête percutant pour le compte du DGE. Il a révélé que Groupaction - mêlée au scandale des commandites - avait fait des contributions de 96 400 $ au PQ, qui avait «fermé les yeux» sur cette pratique illégale, et de 8325 $ au PLQ.

Jean Moisan avait proposé qu'une entreprise puisse contribuer à la caisse des partis pour un maximum de 15 000 $ par année. Le DGE serait le fiduciaire des contributions des entreprises et les redistribuerait aux partis au prorata des votes obtenus lors des élections générales. De plus, un donateur devrait signer une déclaration précisant l'identité de son employeur et attestant que sa contribution provient de son patrimoine et ne sera remboursée ni compensée d'aucune façon.

Pierre-F. Côté, qui a été DGE de 1978 à 1997, plaide depuis des années en faveur du financement par les entreprises selon certaines règles, les mêmes que celles suggérées dans le rapport Moisan. Le financement populaire ne suffit plus à couvrir les coûts d'une campagne électorale. Cette réalité a contribué à la multiplication des contributions illégales des entreprises, une pratique qui est même érigée en système selon lui.

Outre la question des dons des entreprises, le DGE demandera au «jury citoyen» si les partis devraient être financés à 100 % par l'État, à même les impôts, ou si le système actuel devrait être maintenu.

La consultation était en préparation depuis quelques mois, donc avant les manchettes publiées en campagne électorale, a indiqué Marcel Blanchet. Des citoyens s'étaient plaints de ne pouvoir réagir formellement au rapport du groupe de réflexion.

M. Blanchet a bien peu de détails sur les intentions du gouvernement, qui a promis une révision de la loi sur le financement des partis politiques. Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Claude Béchard, entend présenter un projet de loi l'automne prochain. La consultation du DGE coïncidera avec celle du ministre Béchard, prévue elle aussi en janvier. «On peut penser que le résultat de notre consultation va ajouter un éclairage à la commission parlementaire que le ministre a évoquée», a dit M. Blanchet.