Dans la foulée des allégations qui ont provoqué le départ de Benoit Labonté, Québec a annoncé sa volonté de resserrer la loi sur le financement des partis politiques. Cela suffira-t-il à lever les doutes qui planent quant à l'éthique du milieu municipal ?

Le gouvernement Charest entend «revoir» la règle permettant aux partis provinciaux et municipaux de recueillir des dons anonymes lors d'activités politiques. Un groupe de réflexion mené par le Directeur général des élections recommandait en 2007 d'interdire aux partis de «passer le chapeau», une pratique qui «vient en contradiction directe avec le principe de transparence recherché par la loi électorale».À la suite de la controverse soulevée par l'affaire Benoit Labonté, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Claude Béchard, a annoncé mardi son intention de colmater certaines brèches dans la Loi sur le financement des partis politiques. Par exemple, les campagnes à la direction d'un parti municipal et provincial y seraient bientôt assujetties.

Benoit Labonté, l'ancien numéro deux de Vision Montréal, aurait reçu des dizaines de milliers de dollars d'entrepreneurs en construction lors de la course à la direction du parti (avant l'arrivée de Louise Harel). Cette pratique n'a rien d'illégal, les campagnes au leadership n'étant pas assujetties à la loi. Mais l'affaire a soulevé de nombreuses questions sur les liens entre le monde municipal et les entrepreneurs, de même que sur l'existence de caisses occultes.

«Ce qu'il faut, à la suite de ce qu'on a appris ces dernières semaines, c'est rendre les choses aussi transparentes que possible. Il faut dans certains cas resserrer la vis», a affirmé M. Béchard.

Le ministre a ouvert la porte à une révision des dispositions sur les dons anonymes. À l'heure actuelle, jusqu'à 20% du financement d'un parti politique municipal peut provenir de dons anonymes, faits en espèces. Mais la loi ne prévoit aucune limite pour les partis provinciaux. Un don anonyme peut même en théorie s'élever, par exemple, à 5000$, ou plus encore, puisque ce don n'est pas considéré comme une contribution politique au sens de la loi. Une contribution est limitée à 3000$ par électeur au provincial et à 1000$ au municipal.

La seule contrainte prévue dans la loi est qu'un don anonyme doit être fait au cours d'une réunion ou d'une manifestation tenue à des fins politiques.

Selon une porte-parole du DGE, Cynthia Gagnon, «il n'est pas rare» qu'un parti municipal recueille le maximum de dons anonymes auquel il a droit (20%). Mais bon an mal an, les dons anonymes représentent moins de 1% du financement d'un parti politique provincial. Le DGE compte sur la bonne foi des partis pour «dire la vérité dans leurs rapports» au sujet de ces dons, a souligné Mme Gagnon.

Lors du débat des candidats à la mairie de Montréal, lundi, Louise Harel a reproché à Gérald Tremblay d'avoir accepté des dons anonymes de 7000$ par mois pendant les quatre ans de son mandat. Elle a insinué que l'administration Tremblay avait prêté le flanc au trafic d'influence.

Groupe de réflexion

Dans un rapport sur le financement des partis politiques, rendu public en 2007, un groupe de réflexion réunissant le DGE Marcel Blanchet et des représentants du PLQ, du PQ et de l'ADQ recommandait «d'interdire carrément aux partis politiques de recueillir et d'utiliser les dons anonymes». Les dons anonymes recueillis devraient être «immédiatement remis au DGE, qui ajouterait ces sommes aux allocations à verser aux partis politiques», ajoute le rapport auquel le gouvernement n'a pas donné suite.

Selon le groupe de réflexion, «bien qu'au Québec, le total des dons anonymes recueillis par les partis politiques soit très marginal, l'absence de règles plus précises en cette matière peut faire croire au public en général qu'il y a place à des situations abusives, peut-on lire dans le rapport. Il faut reconnaître que ce type de financement vient en contradiction directe avec le principe de transparence recherché par la loi. Par ailleurs, la loi actuelle n'empêche pas des donateurs anonymes de faire des dons tout à fait substantiels au mépris de la transparence.»

Lors d'une conférence de presse, M. Béchard a manifesté son intention de «revoir» la règle sur les dons anonymes. Il n'a pas voulu préciser s'ils seraient interdits.

Le ministre souhaite également que les entreprises ne puissent plus financer la campagne d'un aspirant au leadership d'un parti. Les dons seraient limités à 1000$ par électeur au municipal et à 3000$ au provincial. C'est la même règle qui prévaut pour le financement d'un parti.

Lors de leurs récentes campagnes à la direction, le PQ et l'ADQ ont adopté cette règle même si rien ne les y obligeait. Dans son rapport de 2007, le groupe de réflexion mené par le DGE recommandait déjà de modifier la loi pour prévoir des règles spécifiques au sujet des campagnes à la direction. À l'heure actuelle, la loi n'oblige pas les candidats à la direction d'un parti municipal ou provincial à déclarer les dons qu'ils reçoivent. Il n'existe aucune règle ni sur le montant des contributions ni sur leur provenance.

Lors d'une campagne à la direction, seul un électeur de la municipalité concernée pourrait faire une contribution à un candidat, selon un amendement souhaité par M. Béchard. Tout don dépassant 100$ ou 200$ devrait être fait par chèque.

Projet de loi

Claude Béchard entend déposer un projet de loi cet automne. Ce dernier contiendra une réforme de la carte électorale, ce qui laisse présager bien des débats avec le PQ et l'ADQ. Les deux partis sont en faveur d'une révision de la loi sur le financement politique - ils l'avaient réclamée lundi - mais ils attendent de voir quelles modifications seront apportées par le gouvernement.

Le rapport du groupe de réflexion mené par le DGE propose aussi de clarifier la loi pour spécifier «qu'une contribution versée par un électeur doit être faite volontairement, sans contrepartie et qu'elle ne peut faire l'objet d'un quelconque remboursement» par son employeur. «Le principe est clair, les personnes morales ne doivent pas contribuer directement ou indirectement à un parti politique de quelque façon que ce soit.»

LE SYSTÈME ACTUEL

20%: proportion du financement d'un parti municipal qui peut provenir de dons anonymes faits en argent comptant. Aucune limite n'est prévue pour un don anonyme.

1000$: don maximal qu'un électeur peut faire à un parti municipal.

3000$: don maximal qu'un électeur peut faire à un parti provincial.

CE QUE LE MINISTRE SOUHAITE

> Revoir la règle sur les dons anonymes.

> Empêcher les entreprises de financer la campagne à la direction d'un parti.

> Limiter les dons des électeurs à un candidat à la direction d'un parti à 1000$ au municipal et à 3000$ au provincial.