À l'instar de toutes les autres provinces canadiennes, le Québec abaissera bientôt à 0,05 g d'alcool par 100 ml de sang la limite permettant à la police d'imposer des sanctions aux conducteurs aux facultés affaiblies.

Le gouvernement Charest déposera cet automne un projet de loi pour modifier le Code de sécurité routière ; la limite actuelle de 0,08 demeurera le seuil pour être frappé par des poursuites criminelles.

Mais, a appris La Presse, une fois le projet de loi adopté, au printemps 2010, prévoit-on, un nouveau palier à 0,05 sera instauré. Les conducteurs qui excèdent ce taux d'alcoolémie s'exposeront à voir leur véhicule saisi pour au moins 24 heures et leur permis suspendu pour la même période, une «mesure administrative» qui n'a pas la sévérité des sanctions pour ceux qui dépassent le taux de 0,08, une offense criminelle.

La Presse a obtenu une série de documents - essentiellement les fruits d'échanges récents entre le ministère des Transports, la Société d'assurance automobile du Québec et la Table québécoise de la sécurité routière - qui précisent les intentions de la ministre Julie Boulet dans les prochains mois.

Des sources gouvernementales indiquent qu'un projet de loi sera déposé en novembre pour être adopté à la session parlementaire du printemps, après qu'une longue liste de groupes eurent pu se faire entendre en commission parlementaire.

Outre la nouvelle balise de 0,05, le projet de loi prévoira des sanctions plus sévères pour les «courses de rue», un nouveau phénomène. Actuellement, les amendes pour ces manoeuvres périlleuses ne sont que de 300 à 600 $ et entraînent jusqu'à six points d'inaptitude.

Québec compte également appliquer une politique de tolérance zéro quant à l'alcool pour tous les conducteurs de moins de 25 ans. Actuellement, cette interdiction d'alcool ne vise que les détenteurs de permis probatoires - les deux premières années -, sauf pour les conducteurs qui ont plus de 25 ans.

Par ailleurs, la Société d'assurance automobile appliquera une nouvelle mesure qui rendra obligatoire le port du casque à vélo pour les jeunes jusqu'à un âge à déterminer - Transports Québec hésite entre 12 et 14 ans.

Des 27 recommandations contenues dans un rapport que doit remettre en novembre la Table de concertation, la ministre a déjà retenu ces trois pistes seulement, avant même d'avoir reçu formellement le rapport, a-t-on appris.

Il faut rappeler que la crédibilité de cette Table a déjà été mise à rude épreuve. En 2007, la ministre Boulet avait tenu à inscrire, dans son projet de loi 42, cette recommandation sur les sanctions «administratives» à partir d'un taux d'alcoolémie de 0,05. Or, la Table présidée par Jean-Marie De Koninck n'avait jamais fait cette recommandation, ne l'avait pas même analysée. À l'automne 2007, le gouvernement Charest était minoritaire - l'ADQ et le PQ avaient réussi à faire reculer Québec, le seuil de 0,05 avait été écarté. L'ADQ avait alors rendu public un avis juridique indiquant que les automobilistes épinglés à un seuil aussi faible d'alcoolémie pourraient subir des conséquences au moment de leur renouvellement d'assurance, même si la ministre Boulet soutenait qu'il s'agissait d'une suspension uniquement «administrative» du permis. La ministre Boulet n'avait pas caché son indignation de voir ses propositions passées sans ménagement à la trappe.

Le Québec est toujours la seule province canadienne à fermer les yeux quand les policiers constatent que les conducteurs ont un taux d'alcoolémie de 0,05 à 0,08. Dans d'autres provinces, en Colombie-Britannique et en Ontario, de telles mesures existent depuis près de 30 ans.

Une série de délibérations de la Table québécoise de la sécurité routière, datant de septembre dernier, rappellent que l'ADQ et le PQ avaient rejeté la limite de 0,05, notamment parce que la Table ne l'avait pas proposée. Pour les parlementaires, les conducteurs présentant un taux d'alcoolémie de 0,05 à 0,08 ne posaient pas un problème important et il valait mieux se concentrer sur les récidivistes. Québec avait dû composer aussi avec «des gens qui avaient peur de ne plus pouvoir boire du tout, le lobby des restaurants et des bars». Surtout, personne ne pouvait expliquer pourquoi la ministre Boulet s'était limitée à 24 heures pour la suspension du permis.

Selon les procès verbaux, à cette réunion à huis clos, le spécialiste Pierre Maurice a soutenu que pour être efficace à long terme, la mesure devrait prévoir une sanction plus sévère qu'une suspension de 24 heures du permis.

Cellulaire au volant

Autre sujet controversé, l'usage du cellulaire au volant a été remis en question. Les spécialistes de la sécurité routière ont plaidé qu'il vaudrait mieux interdire totalement le recours au cellulaire au volant, même avec un dispositif mains libres, parce que cela constitue une source de distraction. Or, ironiquement, on a rappelé qu'il pourrait être délicat pour le gouvernement d'aller de l'avant avec cette mesure. Le professeur Maurice a rappelé qu'en dépit de l'information diffusée par Québec sur les risques de l'utilisation du cellulaire, sous toutes ses formes, bien des ministères et des organismes du secteur de la santé et de la sécurité avaient déjà équipé leurs employés d'écouteurs Bluetooth afin de se conformer à l'interdiction du combiné.

Tout récemment, les représentants du transport lourd, les camionneurs, les camionneurs artisans, les chauffeurs d'autobus scolaires et les Teamsters présents à la Table québécoise de sécurité routière ont fait front commun pour s'opposer à l'interdiction totale du cellulaire. Ils ont eu gain de cause. La recommandation de la Table à ce sujet sera réduite à sa plus simple expression : une série d'action - des campagnes publicitaires essentiellement - pour inciter les conducteurs à réduire l'utilisation du cellulaire au volant.