Le gouvernement Charest abandonne l'idée d'organiser une vaste consultation publique sur son ambitieux Plan Nord, qui sème déjà la controverse.

On privilégiera plutôt une approche au cas par cas, projet par projet, en discutant avec les communautés visées autour de «tables de travail».

C'est ce qu'a précisé la ministre des Ressources naturelles et responsable du Plan Nord, Nathalie Normandeau, mercredi, lors d'un entretien à La Presse Canadienne.

«Oubliez le mot consultation. C'est une table de travail, dans le fond. On va compléter le travail déjà amorcé avec les communautés. On veut les mettre dans le coup dès le début du processus», a expliqué la ministre.

Cela signifie que la vision d'ensemble du gouvernement quant à l'avenir du Nord du Québec, le modèle de développement choisi et les grandes orientations retenues ne feront donc jamais l'objet de discussions en commission parlementaire ou d'une commission itinérante d'envergure de type Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.

L'idée d'une consultation publique en bonne et due forme, voire d'un sommet sur le Nord, circulait depuis un an dans les cercles politiques.

Le choix du gouvernement d'opter finalement pour des tables sectorielles, loin de rassurer les communautés visées par le projet, ajoute au scepticisme ambiant, déjà bien présent chez certaines nations autochtones.

La seule activité de consultation d'importance au programme du gouvernement se résume à une «journée de travail», le 6 novembre, alors que quelque 200 personnes sont conviées au Centre des congrès de Québec pour discuter du fonctionnement à venir, mais pas du fond.

La ministre Normandeau dit que cette rencontre devrait être suivie par la création de tables de travail sectorielles portant sur des projets spécifiques.

Le Plan Nord a été annoncé en septembre 2008 par le premier ministre Jean Charest et présenté comme un projet d'une envergure inégalée pour le Québec.

Ce projet vise essentiellement le développement économique du Québec pour les décennies à venir à travers trois axes: l'accélération des projets hydro-électriques, la multiplication des investissements miniers et l'essor du secteur récréo-touristique.

Bien avant de créer ses tables de travail, Québec a quand même annoncé plusieurs projets, dont la mise à niveau de 15 aéroports du Nord, la construction d'une route de Chibougamau aux Monts Otish et la production de 3500 mégawatts d'électricité.

Compte tenu que les projets annoncés et envisagés risquent d'affecter les autochtones, Mme Normandeau est bien consciente que son gouvernement a «un défi d'adhésion et de concertation» au Plan Nord.

Elle se dit persuadée que les autochtones vont y souscrire avec enthousiasme, «à la condition qu'il y ait des retombées tangibles pour eux», sur le plan économique.

Mais le dossier s'annonce plus complexe, car les autochtones paraissent divisés sur le projet et enclins à poser leurs conditions.

Sur la Côte-Nord, quatre communautés innues, déterminées à faire reconnaître leurs revendications territoriales, ont forgé l'Alliance stratégique contre le Plan Nord.

Jusqu'à nouvel ordre, l'Assemblée des Premières Nations elle-même est loin d'afficher «l'adhésion» attendue de Québec.

«On a eu des appréhensions dès le départ. On est très sceptiques par rapport à la volonté du gouvernement du Québec d'aborder les questions de fond», a déclaré en entrevue le chef de l'organisation pour le Québec et le Labrador, Ghislain Picard, en parlant des droits ancestraux et territoriaux.

La ministre Normandeau lui donne d'ailleurs raison, car il n'est pas question de transformer le Plan Nord en «liste d'épicerie».

«Il faut, un moment donné, circonscrire le terrain sur lequel on souhaite développer. C'est pas vrai qu'on va essayer de tout régler», dit-elle.

Quant au Plan Nord comme tel, M. Picard juge que Québec, qui n'a déposé aucun document explicatif, entretient le «mystère total».

«C'est le moins qu'on puisse dire», selon lui.

L'opposition péquiste estime quant à elle que le gouvernement se livre avec ce projet à un «exercice de marketing et de poudre aux yeux», selon le député d'Ungava, Luc Ferland.