Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, s'est retrouvé dans l'eau chaude, jeudi, après avoir donné l'impression d'être insensible au cas d'un déficient intellectuel en crise que des policiers ont maîtrisé avec un pistolet à impulsion électrique de type Taser.

M. Dupuis a d'abord fait bondir l'opposition, au Salon bleu, en soutenant que toute personne refusant d'obtempérer aux ordres des policiers s'exposait, sans distinction, à une réaction de leur part.

Aussitôt la période des questions terminée, la chef de l'opposition, Pauline Marois, a réclamé des excuses du ministre, relativement à un cas d'utilisation du controversé pistolet, l'été dernier, dans une résidence relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux.

«J'espère que le ministre va prendre un petit temps de réflexion pour revenir et s'en excuser, a-t-elle dit lors d'un point de presse. Parce qu'effectivement, ce sont des états dans lesquels se trouvent des gens qui sont handicapés, parfois lourdement. Je crois que c'était inadmissible, les propos qu'il a tenus.»

M. Dupuis a tenté par la suite d'atténuer ses propos, affirmant qu'il n'avait jamais voulu dire que les policiers doivent intervenir sans tenir compte du handicap mental d'une personne.

«Si j'ai donné cette impression-là, je ne souhaite pas qu'elle soit retenue, a-t-il dit sur les ondes du réseau TVA. Parce que ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.»

M. Dupuis a déclaré au réseau de télévision que les policiers doivent faire preuve de «compassion» dans certaines occasions.

«Les policiers doivent agir en fonction de la circonstance, a-t-il dit. Il peut arriver des cas où la personne ne comprend pas la demande d'obtempérer. Dans ces cas-là, il faut que les policiers utilisent leur jugement.»

Lors d'un échange au Salon bleu, la députée péquiste Danielle Doyer s'était inquiétée que les policiers de Québec aient eu recours à une décharge électrique pour maîtriser un homme de 43 ans atteint de trisomie 21, au début du mois d'août.

Déplorant la tristesse de cette situation, M. Dupuis s'était abstenu de porter un jugement sur les circonstances, s'en remettant aux policiers et aux employés du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) de Québec qui étaient présents.

Le ministre a toutefois mis le feu aux poudres en indiquant que la déficience intellectuelle d'une personne n'était pas un facteur à considérer lors d'une intervention policière.

«Il y a une vérité toute simple, toute simple: quand on n'obtempère pas aux ordres d'un policier, on s'expose à un certain nombre de choses», a-t-il dit.

Lors d'un point de presse en compagnie de Mme Doyer et de la députée péquiste Agnès Maltais, le père d'une patiente hébergée à l'endroit où les policiers sont intervenus s'est montré plus que choqué par la réaction du ministre.

«Il est complètement déconnecté de ce type de réalité-là, pour répondre une aberration pareille, a dit Marc Gourdeau. Ce n'est pas choquant, ça me fait tomber à terre. J'étais assis: tant mieux! Comment quelqu'un qui est atteint de trisomie 21, qui vit une déficience intellectuelle importante, qui est dans un état de crise tel qu'il perd contact avec la réalité, peut obtempérer?»

M. Gourdeau, dont la fille atteinte de déficience intellectuelle peut souffrir d'épisodes agressifs, s'est montré inquiet qu'elle puisse à son tour être maîtrisée à l'aide d'un pistolet à impulsions lors d'une intervention policière.

«On confie nos jeunes, a-t-il dit. En établissement, on veut qu'ils s'en occupent. Et en ce sens-là, c'est la responsabilité, en ce qui me concerne, du ministère de la Santé et des Services sociaux de voir à ce qu'ils puissent être dignes de confiance.»

Le capitaine Gino Lévesque, du Service de police de Québec, a affirmé qu'à la suite de l'intervention, le 6 août dernier, une analyse avait démontré que l'utilisation du dispositif à impulsion était justifiée, compte tenu de la violence et de l'agressivité du patient.

«L'analyse ne se fait pas en fonction du degré de quotient intellectuel d'une personne, a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique. Ca se fait en fonction du niveau de danger qu'elle présente et du niveau de réponse de cette personne-là.»

Ni le CRDI de Québec ni les policiers n'ont été en mesure de préciser si d'autres situations semblables se sont produites précédemment.

M. Dupuis n'a pas voulu présumer que les policiers ont commis une erreur, estimant qu'ils ont reçu une formation suffisante pour prendre les bonnes décisions.

Des représentants du gouvernement, dont sa collègue déléguée au Services sociaux, Lise Thériault, réitéreront toutefois le souhait qu'une évaluation soit faite dans des cas spécifiques où le pistolet électrique est utilisé.

«Ma collègue Lise Thériault va le faire à une table de travail qui va avoir lieu avec les CRDI et les policiers, va réitérer ce souhait-là que les policiers puissent évaluer les situations avant d'agir de la sorte», a-t-il dit à TVA.