L'approche des «partenariats public-privé» a vécu. Le gouvernement Charest se prépare à changer en profondeur la mission de l'Agence des PPP, dernier vestige de l'héritage de Monique Jérôme-Forget.

Avec la mise au rancart de la «modernisation» ou de la «réingénierie» de l'État - des engagements importants qui avaient fini en queue de poisson -, la disparition de l'agence, souvent critiquée, vient tirer un trait définitif sur les plans des libéraux à leur arrivée au pouvoir en 2003. Selon ce qu'a appris La Presse, Québec déposera cet automne à l'Assemblée nationale un projet de loi pour modifier la mission de l'Agence des PPP. L'organisme aura le mandat d'encadrer les grands chantiers, mais les partenariats avec le secteur privé glisseront sous le tapis, réduits à un volet des activités de la future organisation.

Devant une centaine de personnes, le nouveau président de l'organisme, Normand Bergeron, a indiqué hier matin que la nouvelle organisation aura un mandat «horizontal», centralisera l'information sur l'ensemble des projets de construction du gouvernement, qu'il s'agisse de partenariats avec le secteur privé ou non.

M. Bergeron avait parlé du projet du gouvernement devant plusieurs personnes au cours des dernières semaines. L'Agence «pourrait jouer un rôle d'accompagnement plus large auprès des ministères, pour des projets qui ne sont pas des PPP proprement dits», a souligné hier M. Bergeron - sans toutefois faire allusion à un projet de loi. Selon lui, les PPP ont connu au Québec une résistance «qui va bien au-delà de ce qui a été observé ailleurs». «Je m'attends à ce qu'on parle des PPP au prochain Bye Bye» a-t-il ironisé, certain que la formule qui a été utilisée «avec succès dans tous les autres pays occidentaux» ne disparaîtra pas au Québec.

Mais les membres de l'Institut des partenariats public-privé ont toutefois compris rapidement que les différents ministères (Transports ou Santé, par exemple) conserveront la «maîtrise d'oeuvre» de leurs projets. Avec dans les cartons des projets d'infrastructures d'une valeur de 42 milliards - une annonce de campagne électorale destinée à contrer le ralentissement économique -, le Conseil du Trésor veut une organisation pour centraliser l'information sur l'ensemble de ces engagements, pour «accompagner» les ministères. Dans l'un des scénarios envisagés, la nouvelle agence devrait évaluer tous les projets de plus de 40 millions, mais elle n'aurait pas de réels pouvoirs sur le cheminement des travaux.

En filigrane, on explique que le gouvernement Charest «ne veut plus faire de PPP». «La formule PPP est contaminée», explique-t-on. Aussi, la décision de reprendre en main la réfection de l'échangeur Turcot sans le concours de l'entreprise privée, alors que le Conseil des ministres en avait décidé autrement à l'origine, est-elle symptomatique. Même si M. Bergeron promet que le projet du CHUM ira bientôt de l'avant en PPP, dans les cercles politiques, on interprète le silence du gouvernement quant à ce mode de réalisation comme de bien mauvais augure.

Au surplus, la principale avocate de cette stratégie, Monique Jérôme-Forget, a quitté la vie publique, ce qui a vite scellé le sort de son protégé, Pierre Lefebvre, remplacé à la tête de l'agence en juin dernier.

Même s'il voulait maintenir l'agence intacte, le gouvernement devrait tout de même en modifier le financement. La volonté de réaliser de moins en moins de projets en partenariat public-privé a privé d'oxygène la petite organisation d'une quarantaine de personnes. L'agence, selon sa loi constitutive, doit s'autofinancer. Elle s'alimente à même des honoraires facturés à l'heure aux clients - ici, le gouvernement - comme une agence privée. Les ministères des Transports et de la Culture (pour la salle de l'Orchestre symphonique de Montréal) ont payé 30 millions en honoraires pour les spécialistes de l'agence des PPP, un mode de financement qui agace passablement la machine administrative.

Or, les projets importants de l'Agence sont «sortis» de la machine - le pont de la 25 ou le prolongement de la 30 sont en route. On travaille encore sur le CHUM, mais l'organisme aura besoin de subventions gouvernementales s'il n'a pas de nouveaux projets.

Nommé en juin, M. Bergeron, jusqu'alors sous-ministre des Ressources naturelles, a fait les manchettes cet été. On a attribué à ce fonctionnaire de carrière le même salaire qu'à prédécesseur, recruté à Londres dans l'entreprise privée: 232 000$, ce qui le place au deuxième rang des salariés les mieux payés de la fonction publique québécoise. Seul Gérard Bibeau, secrétaire général du gouvernement, gagne davantage - 3000$ de plus.