Plongée dans la controverse à la suite de subventions accordées à des collèges privés, Hydro-Québec se dote d'une Politique d'octroi des dons et des commandites. L'entreprise espère ainsi clarifier le processus et empêcher toute nouvelle polémique.

Dans un document de huit pages en vigueur le 8 septembre, la société d'État s'engage à n'accepter aucune demande d'institutions d'enseignement privées du primaire, du secondaire et du collégial, ni d'un établissement situé à l'extérieur du Québec.

«Il n'y aura pas de subventions dans le privé, ça c'est clair», a répété à plusieurs reprises Marc-Brian Chamberland, chef des affaires publiques chez Hydro-Québec.

L'entreprise a fixé une série de critères «d'exclusion» qui feront en sorte qu'un organisme ou une institution ne pourra pas, à l'avenir, profiter d'une subvention.

Autre nouveauté : chaque fois qu'un dirigeant d'Hydro-Québec se trouve en situation de conflit d'intérêts, l'attribution d'une subvention passera directement par le conseil d'administration de la société d'État. «Peu importe le montant, même si c'est 50 $, ça passera au CA», précise M. Chamberland, ajoutant que tous les dirigeants d'Hydro-Québec doivent remplir une déclaration d'intérêts. Hydro-Québec promet aussi de publier sur son site web le nom des organismes bénéficiaires de ses contributions.

C'est la ministre des Ressources naturelles du Québec, Nathalie Normandeau, qui a pressé Hydro-Québec de revoir ses orientations à propos des commandites. «Je suis heureuse de constater que les priorités en matière d'éducation sont orientées vers les services publics», a-t-elle déclaré après avoir consulté le document.

Hydro-Québec s'est retrouvée au coeur de cette controverse quand La Presse a révélé l'attribution de 250 000 $ à la Fondation du collège Notre-Dame. Or, le président-directeur général d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, est président du conseil de ce collège privé de Montréal.

Réactions mitigées

Le président de la Fédération autonome de l'enseignement, Pierre St-Germain, s'est réjoui de cette «volte-face» d'Hydro-Québec. «C'est une victoire de la population face à l'arrogance d'une grosse institution qui vient de réaliser qu'elle a commis une grave erreur en agissant de la sorte», dit-il.

Mais la victoire n'est que partielle, estime M. St-Germain, puisque le problème du sous-financement des écoles publiques, lui, reste entier. Il se questionne par ailleurs sur l'intention d'Hydro-Québec de contribuer aux campagnes de financement des établissements publics secondaires et collégiaux.

«Hydro-Québec est mal placée pour juger quelle école publique est plus méritante qu'une autre», a-t-il dit, proposant que la société d'État verse ses redevances au gouvernement, qui, lui, verrait à les redistribuer dans les services publics.

La nouvelle politique d'Hydro aura-t-elle un impact sur les écoles privées ? Pas vraiment, estime Auguste Servant, directeur des communications de la Fédération des établissements d'enseignement privés. «Il est exceptionnel qu'un organisme public contribue aux fondations des institutions privées», dit-il.

Cependant, la décision d'Hydro-Québec pourrait inciter d'autres organismes à revoir leurs critères de dons aux écoles privées, ce qui pourrait éventuellement affecter l'ensemble des dons offerts aux établissements privés, selon Auguste Servant.

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie et de jeunesse, Sylvain Gaudreault, s'interroge pour sa part sur le mutisme de Thierry Vandal dans ce dossier. «Je n'en démords pas, c'est une suite inacceptable de faux pas, a-t-il répété à La Presse. Tout cela fait que, malgré cette politique, M. Vandal ne peut plus être PDG d'Hydro-Québec.»