La chef de Vision Montréal, Louise Harel, a écrit hier au ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, pour demander une enquête de la Commission municipale du Québec sur les méthodes d'appels d'offres de la Ville de Montréal et de ses arrondissements, a appris La Presse.

Mme Harel a fait cette demande à la suite de reportages de La Presse et de Radio-Canada qui font état d'un autre manquement grave à l'éthique à la Ville de Montréal. Cette fois, il s'agit du directeur de la Réalisation des travaux, Robert Marcil, qui est parti en vacances à l'invitation de l'entrepreneur Joe Borsellino, président de Construction Garnier. Y étaient aussi le vice-président de la firme GENIVAR, Yves Lortie, et l'ex-directeur général de la FTQ-Construction, Jocelyn Dupuis. M. Marcil, qui fait l'objet d'une enquête interne, a démissionné de son poste le 26 juin.

Mme Harel estime que, après la fraude de plusieurs millions découverte l'an dernier à la Division du service informatique de la Ville et les multiples enquêtes policières visant l'administration Tremblay, il est temps que le gouvernement du Québec agisse.

Dans sa lettre, que La Presse a obtenue, Mme Harel écrit: «Au cours des derniers mois, de très nombreuses allégations ont questionné l'intégrité des processus d'attribution de contrats à Montréal. À l'évidence, les mécanismes réguliers de surveillance et de contrôle ne sont pas adéquats. La répétition de situations troublantes ébranle la confiance du public. C'est pourquoi je vous demande de prendre toutes les mesures à votre disposition pour qu'une enquête administrative soit menée par la Commission municipale du Québec sur les procédures d'appel d'offres des contrats de la ville et des arrondissements.»

Mme Harel dit au ministre qu'il est «impératif que la lumière soit faite sur toutes les allégations de collusion qui ternissent la réputation de notre ville». «Comme vous le savez, la Ville de Montréal gère au nom des citoyens montréalais un budget de près de 4 milliards de dollars, somme à laquelle il faut ajouter plus de 1 milliard géré par les organismes apparentés, comme la Société de transport de Montréal ou la Société

d'habitation et de développement de Montréal. Bref, c'est plus de 5 milliards qui transitent dans le périmètre comptable de la Ville annuellement. Cela est sans compter les différents montants investis en immobilisations via des emprunts. Une très large part de ce budget est redistribuée à l'extérieur des services de la Ville, sous forme de contrats avec divers sous-traitants, consultants ou entrepreneurs.»

Plus tôt dans la journée d'hier, le ministre avait jugé que les cinq enquêtes policières sur des allégations de corruption à Montréal et la nouvelle affaire de copinage révélée par La Presse et Radio-Canada étaient des «cas

isolés». À ses yeux, la corruption n'est répandue ni dans la métropole ni dans les autres municipalités. «On parle de cas isolés. On ne fera pas une grande commission d'enquête là-dessus», a-t-il lancé en marge d'une réunion du caucus libéral à Saint-Hyacinthe.

«Des cas isolés? Il va en falloir combien, des cas isolés? Une dizaine, pour que ce ne soit plus des cas isolés? a réagi Mme Harel. Ça n'a plus de bon sens. Là, ce n'est pas juste un voyage avec sa femme qu'il s'est payé, on parle d'un ingénieur, d'un entrepreneur, d'un fonctionnaire et d'un syndicaliste! C'est de la collusion manifeste des quatre composantes de ce qu'est un contrat. Ça n'a pas d'allure.»

Le ministre Lessard reconnaît tout au plus la nécessité de «mieux encadrer» les élus et les fonctionnaires avec un nouveau code d'éthique.

Pour sa part, au terme de la réunion du caucus de son parti, le premier ministre Jean Charest a tenté de dissiper l'impression que le gouvernement minimise le problème. «On prend ça très au sérieux, a dit M. Charest. On a reconnu l'importance des allégations en commandant le rapport Gagné.»

De son côté, le maire de Montréal a dit hier que si Québec veut modifier quoi que ce soit, c'est son privilège. «Peut-on modifier la procédure? La réponse est oui. Mais on n'attendra pas après Québec. Montréal a décidé d'agir.»