Pas d'inscription au guichet unique des places en garderie, pas d'argent de Québec. Telle est la menace qui plane au-dessus des services de garde.

Car dès l'an prochain, Québec reliera l'aide financière de l'État aux services de garde à leur participation au guichet unique de leur région, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne, mardi.

«Tous doivent comprendre les avantages qu'ils ont à adhérer à un guichet centralisé», a tranché le ministre de la Famille, Tony Tomassi, en entrevue à son bureau, mardi.

Par définition, un guichet unique doit regrouper toutes les ressources disponibles sur un territoire pour centraliser les listes d'attente pour une place en service de garde, ce qui est loin d'être le cas actuellement, car bon nombre de centres de la petite enfance (CPE) et surtout de garderies privées refusent de s'y inscrire.

À telle enseigne que Québec se sent maintenant obligé de menacer les récalcitrants de leur couper les vivres.

On veut ainsi, d'une part, garantir aux parents qu'ils n'auront qu'un coup de fil à donner pour inscrire leur enfant sur une liste d'attente pour une place à 7$ par jour, et donner d'autre part au ministère de la Famille le moyen d'avoir une vue d'ensemble de la situation et des besoins à l'échelle du Québec.

À l'heure actuelle, par exemple, si on lui demande combien d'enfants sont inscrits sur les multiples listes d'attente, ou combien d'entre eux dont le nom figure sur plusieurs listes, le ministre répond: «Je n'ai pas cette information-là».

Pour être à l'avenir mieux informé et, du même coup, faciliter la vie aux parents, le ministre Tomassi s'était engagé à doter toutes les régions du Québec d'un guichet unique avant la fin de l'été 2009.

À travers le Québec, on compte au total 11 guichets uniques en activité, depuis le début de l'année, et deux autres qui le seront dans les prochaines semaines, en Abitibi et sur la Côte-Nord.

Mais ils risquent de ressembler à des coquilles vides, dans la mesure où une partie du milieu les boude.

Un des plus importants (qui regroupe en fait trois régions: Montréal, la Mauricie et le Centre-du Québec), géré par la Coopérative Enfance-Famille, ne compte que 155 inscriptions sur une possibilité de 650, soit moins de 24 pour cent du total.

«Il y a une résistance», tant dans les CPE que dans le réseau privé, a déploré, au cours d'une entrevue, la directrice générale de la Coopérative Enfance-Famille, Marie-Claude Sévigny.

Quant à lui, le ministre dit vouloir se montrer conciliant, patient, et préfère jouer la carte de la persuasion à la coercition. Mais il ajoute, du même souffle, que «2010 va être l'année charnière».

C'est donc dire que si certains décident de continuer à faire bande à part et d'afficher «une réticence encore trop grande, il va falloir l'imposer par règle budgétaire, on prendra la décision pour y aller», promet-il.

Que les responsables de CPE et de garderies privées se le tiennent pour dit: «Pas question d'être à part», dit ce père de cinq enfants, dont le plus jeune fréquente un CPE.

Il faudra que «tous les services de garde fassent partie des guichets d'accès régionaux, dans toutes les régions du Québec».

La crainte de voir le «guichet» s'ingérer dans les politiques d'admission d'une garderie, de même que les frais d'adhésion demandés pour en faire partie sont au nombre des objections invoquées pour bouder la liste centralisée, résume Mme Sévigny.

Elle est d'avis que cette adhésion devrait être obligatoire. «Pour le parent, cela simplifierait tellement de choses», selon elle.

Le fait que les guichets uniques soient souvent sous la gouverne de regroupements de CPE - comme c'est le cas en Montérégie, à Québec et Chaudière-Appalaches - ne contribue pas à calmer les appréhensions des garderies privées, habituées de fonctionner en parallèle.

Mais la méfiance ou le désintérêt contamine aussi les CPE, puisque plus de la moitié (55 pour cent des 965 centres) n'ont pas encore jugé bon de s'inscrire au guichet de leur région.