Laurent Lessard cède sa place à l'Agriculture. Mardi matin, beaucoup de gens avaient des commentaires à faire quant à son passage d'un peu plus de deux ans à la tête de ce ministère. Plusieurs critiques, surtout en ce qui concerne son ton de confrontation avec les petits fromagers du Québec, et peu de regrets de le voir partir.

Ce que personne ne pouvait lui reprocher, néanmoins, c'est d'avoir utilisé la langue de bois. Pas trop son genre.

Au contraire: Laurent Lessard utilisait un vocabulaire très imagé. Il aimait bien expliquer clairement, et vivement, ses points de vue, parfois durant de longues conférences de presse. Comme celle qui a suivi le dépôt du rapport de la commission Pronovost sur l'avenir de l'agriculture de la province. Un dossier colossal pour le ministre Lessard, qui a presque immédiatement rejeté d'un revers de main la possibilité de mettre fin au monopole de l'Union des producteurs agricoles, tel que suggéré.

Le rapport Pronovost, riche en recommandations, a marqué le passage de Laurent Lessard à la tête du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ). Le ministre s'est affairé à mettre en place plusieurs de ces recommandations, notamment en ce qui a trait à la présence des produits locaux sur les tablettes des détaillants québécois.

On lui doit notamment le programme «Mettez le Québec dans votre assiette», qu'il a défendu avec vigueur. Il s'est aussi intéressé à la relève en agriculture, dossier fort important pour le Québec. Il sera aussi le ministre ayant approuvé le premier produit d'appellation contrôlée du Québec, l'agneau de Charlevoix.

Il part toutefois dans une période trouble. Deux nouveaux rapports ont été déposés durant les six derniers mois. Un premier proposait une révision de la façon dont est distribuée l'assurance stabilisation aux agriculteurs. Le second s'intéressait au zonage agricole et présentait des mesures d'assouplissement qui ont beaucoup déplu à l'UPA. Depuis, le climat entre le syndicat des producteurs et le ministre s'est beaucoup tendu. Mardi, l'UPA a émis un communiqué précisant que sa mobilisation n'était pas en réaction à un individu et qu'elle ne souhaitait pas «personnaliser le débat». «L'UPA salue aussi la contribution de Laurent Lessard avec qui elle travaillera dans l'avenir dans des dossiers comme la protection du territoire agricole», peut-on également y lire.

Laurent Pellerin, ex-président de l'UPA et nouveau président de la Fédération canadienne de l'agriculture, comprend mal aussi comment les recommandations du rapport Saint-Pierre ont pu faire leur chemin jusqu'au bureau du ministre. Il y est farouchement opposé. Par contre, il avait de bons mots pour le ministre Lessard, «un homme très agréable et très ouvert à la discussion».

Plus que tout, c'est toutefois la gestion de la crise de la listériose qui aura entaché le mandat de M. Lessard. Bien que la protectrice du citoyen ait récemment conclu que l'intervention musclée des inspecteurs du MAPAQ était justifiée, le jour où ils ont détruit des milliers de kilos de fromage, elle a aussi noté de nombreuses lacunes dans la gestion de cette crise. «Les Affaires municipales, c'est peut-être plus sa place. C'est un notaire, après tout», a laissé tomber Louis Arsenault, président de l'Association des fromagers artisans du Québec, un regroupement né après la crise de septembre 2008.

«Je ne crois pas que je vais verser de larmes au départ de mon ami Laurent», a indiqué pour sa part André Piché, président de l'Association des fromagers-marchands du Québec, un autre groupe né en réaction à la crise de la listériose et sa gestion. Tous les deux n'étaient ni tristes ni surpris du départ de Laurent Lessard. Et tous les deux espèrent que ce ne sera pas un prétexte pour souffler le dossier fromage sous le tapis.