«C'est le jour le plus important de ma vie... après mes noces!» Tout juste assermenté ministre du Développement économique, Clément Gignac exultait.

La traditionnelle prise de photo du nouveau conseil des ministres a bifurqué mardi dans un détour inattendu. Après la pose rituelle des ministres, subitement on a été transporté au milieu d'une réunion des «Gignac d'Amérique». Cousins, beaux-frères et parents du nouveau ministre ont défilé aussi devant le photographe de l'Assemblée nationale, «une avec toute la famille, une autre avec juste les frères et soeurs», avait même précisé à l'avance Clément Gignac.

Ils ont finalement accepté que Jean Charest se joigne à eux. Il avait le bébé dans les bras, avec un air amusé - le premier ministre, pas le bébé.

Originaire de la région de Québec, Clément Gignac a été pendant vingt ans à la Banque Nationale, jusqu'à en devenir l'économiste en chef depuis 2002. Son saut en politique n'a pas été une surprise pour les stratèges libéraux qui, à chaque élection, pensaient l'avoir hameçonné pour devenir candidat.

Dans ses réponses mardi en point de presse, le nouveau ministre Gignac a appris quelque chose à ceux qui ne le connaissaient pas. Tout économiste qu'il soit, même s'il a tâté de la fonction publique fédérale, ce fils de la Rive-Sud de Québec n'est pas très à l'aise en anglais. Ce n'est pas une question de vocabulaire, mais à 54 ans, il conserve un accent à couper au couteau.

Nationaliste, il ne cachait pas, au lendemain du référendum de 1995, sa satisfaction. Le milieu financier montréalais était soufflé par la quasi rupture avec le Canada. Lui voyait l'occasion rêvée pour le Québec de faire progresser ses revendications, tout en conservant sa place au Canada.

«Qui a trahi... trahira», a lancé Pauline Marois, qui pourtant avait elle aussi tenté de convaincre Clément Gignac de faire le saut en politique pour le Parti québécois. «Je trouve regrettable qu'on utilise des épithètes... on est aussi Québécois qu'on ait travaillé pour le fédéral ou ailleurs», réplique M. Gignac.

Depuis longtemps M. Gignac est un ami du couple Pauline Marois et Claude Blanchet. C'est d'ailleurs M. Blanchet, ancien président de la SGF, qui avait organisé un lunch pour permettre à Mme Marois de courtiser Gignac, juste avant les élections de 2008. MM. Gignac et Blanchet sont presque voisins, à Québec, où ils ont des condominiums. Mardi, il se défendait d'avoir prêté main forte au gouvernement fédéral dans la préparation d'une agence nationale des valeurs mobilières, un projet que promet de combattre Québec, jusqu'en Cour suprême si nécessaire.

Depuis novembre 2008, M. Gignac était conseiller senior auprès du sous-ministre fédéral des Finances, «un fonctionnaire, pas un décideur politique», a-t-il insisté mardi, précisant qu'il était parfaitement d'accord avec la position du gouvernement Charest dans ce dossier, «qui relève de mon collègue Raymond Bachand», a-t-il dit pour couper court aux questions.

Ironiquement, c'est le poste des Finances qui aurait été taillé sur mesure pour cet économiste - le parcours de M. Bachand est au contraire plus proche des entreprises, au Fonds de solidarité comme à Secor.

M. Gignac aurait pu aussi atterrir au Trésor - longtemps analyste des budgets à Ottawa, pour de nombreux réseaux de télévision, il était toujours critique du manque de volonté des gouvernements de sabrer dans les dépenses.

Pour Jean Charest, le choix des électeurs de Marguerite-Bourgeoys, est la preuve que son gouvernement n'a pas fait fausse route en insistant sur le développement économique. «Les Québécois ont rappelé qu'on avait raison, l'enjeu c'est l'économie et l'emploi. C'est ce qu'ils ont dit d'une même voix lors de l'élection complémentaire», a soutenu M. Charest.