Pour rapatrier des pouvoirs d'Ottawa, comme la chef péquiste Pauline Marois désire le faire si son parti prend le pouvoir, des négociations constitutionnelles devront inévitablement se tenir, estime le constitutionnaliste Henri Brun. Une éventualité qui risque de provoquer une certaine «nausée constitutionnelle» au sein de la population, croit le politologue Jean-Herman Guay.

Sur tous les points évoqués par la chef péquiste en fin de semaine, que ce soit les pouvoirs en culture, en santé, les compétences linguistiques ou de nature fiscale, le Québec doit d'abord réclamer un amendement constitutionnel, explique M. Brun, que ce soit pour obtenir les pouvoirs ou alors limiter le pouvoir fédéral de dépenser.

 

«Modifier la Constitution du Canada, c'est devenu très difficile. Mais il est très facile d'enclencher le processus. Il s'agit que l'Assemblée législative d'une province adopte une résolution à cet effet. À partir de ce moment-là, toutes les parties ont le devoir de négocier de bonne foi. Il y a une obligation de négocier», dit M. Brun.

Ce qui ne veut pas dire, évidemment, que la négociation se conclue au bénéfice du Québec. «Si la négociation se conclue par un échec, juridiquement, c'est terminé», précise M. Brun. Mais «si c'est un sujet qui mobilise la population, un échec peut avoir un impact politique».

Un gouvernement péquiste n'enclencherait pas nécessairement de négociations constitutionnelles, réplique le porte-parole du PQ, Alexandre Cloutier. «Il n'y aurait pas nécessairement de négociations constitutionnelles, mais ça peut effectivement se produire, dit-il. Si on demande des nouveaux pouvoirs, comme en matière de télécommunications, par exemple, oui, il faut un amendement. Mais freiner le pouvoir fédéral de dépenser, on peut faire ça par le biais d'une entente administrative.»

Accueil mitigé

Les politologues accueillent de façon plutôt mitigée les propositions du «plan Marois» dévoilé en fin de semaine. «Mme Marois veut réunir les pressés et les réalistes. Mais les deux risquent d'être insatisfaits, observe Jean-Herman Guay, de l'Université Sherbrooke. Dans la population, ces propositions vont provoquer la nausée constitutionnelle. Ça risque de positionner le PQ comme le parti qui veut revenir à la chicane. Ce n'est pas une formule gagnante, sauf pour occuper les militants.»

La proposition présentée en fin de semaine est, essentiellement, du recyclage, estime M. Guay. «Ils ont pris les vieilles composantes, ils ont essayé de faire une nouvelle macédoine avec ça. Mais personne n'est dupe», dit-il.

«On revient à égalité ou indépendance de Daniel Johnson, s'insurge le politologue Denis Monière, de l'Université de Montréal. C'est une régression politique. Le PQ se définit maintenant comme un parti nationaliste. C'est l'Union nationale, le Parti libéral du Québec avant Jean Charest.»

«C'est un plan pour les militants du parti, résume Réjean Pelletier, politologue à l'Université Laval. On a rejeté la possibilité de tenir des référendums sectoriels, ce qui est tout de même plus près de la réalité de la population. En ce sens là, c'est une bonne chose.» Mais le dernier politicien québécois qui a réclamé des pouvoirs à Ottawa en matière de culture, n'a même jamais reçu de réponse, rappelle le politologue: c'est l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, qui a depuis quitté la politique.

«Une démarche d'autonomie et d'affirmation, c'est bienvenu. Il faut rappeler que l'autonomie du Québec est sacrée, qu'il faut la promouvoir et l'accroître», commente Benoît Pelletier, revenu à ses fonctions de politologue à l'Université d'Ottawa, qui salue donc la prémisse de la démarche péquiste. «Mais là où ça risque de mal tourner, c'est que l'affrontement va devenir la stratégie du gouvernement. Ça va déplaire royalement à la population.»