La souveraineté n'est pas pour demain. En attendant, le Parti québécois veut mobiliser les Québécois en ouvrant de nombreux fronts, en multipliant les revendications auprès du gouvernement fédéral. À défaut d'obtenir toute la souveraineté, un gouvernement péquiste commencera par la récupérer morceau par morceau, compétence par compétence.

C'est ce qu'a indiqué hier la chef péquiste Pauline Marois dans un point de presse à la permanence du PQ. Elle devançait une intervention qui devait être faite le week-end prochain à Rivière-du-Loup, à l'occasion d'une conférence des présidents de circonscription. Un gouvernement du Parti québécois, a-t-elle expliqué, «a le devoir de proposer aux Québécois une démarche qui les fera avancer, qui nous rapprochera de notre souveraineté. On va utiliser toutes les compétences du Québec pour faire avancer les Québécois».

L'approche du «toujours plus pour le Québec» remplacera celle du «tout ou rien», a-t-elle résumé, un plan qui, selon elle, assurera «la cohésion du mouvement souverainiste» et permettra de rompre avec «l'immobilisme» qui a frappé les péquistes depuis le référendum de 1995. «On se remet à l'action, on retrouve l'esprit des années 70», a-t-elle illustré.

Élu, le PQ voudra «utiliser le maximum de pouvoirs qui sont à Ottawa pour faire avancer les Québécois». Déjà, à l'Assemblée nationale, le PQ s'était engagé à faire en sorte que le Québec récupère des compétences exclusives comme la santé, l'éducation et la famille avec pleine compensation d'Ottawa. Le PQ avait aussi promis de donner plus de muscle à la Charte de la langue française.

Hier, Mme Marois a dévoilé une autre cible, un autre jalon dans la marche vers la souveraineté. Comme l'a indiqué La Presse la semaine dernière, le PQ proposera la mise en place d'une déclaration de revenus unique: le Québec serait le seul «percepteur» de la totalité des impôts des Québécois. Le projet sera discuté au congrès du printemps 2011 - un rassemblement qui normalement aurait dû avoir lieu l'automne prochain.

Pour Mme Marois, des économies annuelles de 840 millions de dollars découleraient de cette mesure, qui «simplifierait la vie des citoyens». Le Québec est la seule province où les citoyens font deux déclarations.

Des sondages internes démontrent que 70% des Québécois seraient d'accord avec cette mesure. Hier, le porte-parole Pascal Monette a refusé toutefois de fournir plus de détails sur ces sondages, sur la formulation des questions et même sur la maison qui les avait réalisés.

Ces mêmes sondages indiquent que les Québécois sont favorables à 72% à ce que le Québec entame des discussions avec Ottawa pour récupérer les compétences en matière de culture. De plus, 71% sont favorables à ce qu'un débat soit ouvert pour que le Québec récupère tous les pouvoirs en matière linguistique, ce qui ne peut se faire dans l'ordre constitutionnel actuel.

Référendum «sur une question précise»

«Je ne propose pas une série de référendums à répétition, a souligné Mme Marois. Il est possible que nous puissions tenir un référendum sur une question précise... mais notre objectif n'est pas ça. C'est de tenir un référendum, celui qui comptera, celui sur la souveraineté du Québec.» Le référendum est donc toujours dans le programme péquiste, mais non l'obligation de le tenir «le plus rapidement possible dans le mandat». «Je garde l'agenda ouvert, a précisé Mme Marois. Je veux pouvoir le tenir le plus rapidement possible, lorsque nous penserons que nous pouvons avoir l'appui de la population.»

Pour Gérald Larose, le président du Conseil de la souveraineté, la «démarche large» d'y aller avec une liste de revendications doit être appuyée par des référendums sectoriels: «Si on nous répond non, on doit aller demander l'opinion du peuple.» Le nouveau plan péquiste aura «une vertu pédagogique» observe M. Larose.

C'est aussi ce que croit Pierre Dubuc, le président du SPQ libre: «Les discussions avec Ottawa, les gens vont réaliser que cela ne fonctionne pas. La conséquence logique sera la tenue de référendums sectoriels.» Son groupe réclamera que le référendum s'enclenche quand suffisamment de gens le réclameront, une consultation «d'initiative populaire». Mais Mme Marois a prévenu qu'elle n'approuvait pas cette démarche, que prônait, quand il était député, Jonathan Valois, devenu président du PQ.

D'autres volets du plan de Mme Marois peuvent se réaliser sans changements constitutionnels. «M. Charest pourrait faire un certain nombre de choses, mais il ne demande rien, donc n'obtient rien» a-t-elle soutenu. Ainsi, dès son élection, «la première action» du PQ sera «de freiner et combattre par tous les moyens les intrusions du fédéral dans les champs de compétence exclusifs du Québec».

Un gouvernement Marois voudra «occuper pleinement tous les pouvoirs qu'on a déjà et qu'on n'exerce pas pleinement. On protégera l'identité québécoise». On compte adopter une «loi sur l'identité québécoise» qui assurera la prépondérance du français et des valeurs communes comme l'égalité entre les sexes et la laïcité des institutions. Une nouvelle loi 101 serait adoptée «avec un véritable statut de charte» qui s'appliquera aux entreprises de moins de 50 employés. Un gouvernement péquiste fera par ailleurs de l'enseignement de l'histoire «une priorité» et visera l'autonomie énergétique. «À l'avenir, c'est le Québec qui déterminera ses priorités, il occupera tout l'espace nécessaire», a promis la chef péquiste.

Du côté d'Ottawa, clairement, on n'entendait pas entrer sur le terrain des revendications du PQ. «Le PQ et le Bloc rêvent à un gouvernement libéral fédéral qui pratique un fédéralisme centralisateur et dominateur. Heureusement, depuis 2006, le gouvernement Harper respecte les compétences du Québec et reconnaît les aspirations de la nation québécoise», a dit Dimitri Soudas, l'attaché de presse de Stephen Harper.