Les projecteurs ont été braqués sur la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, ces dernières semaines. Le Parti québécois lui a reproché d'avoir fermé les yeux sur le changement de statut de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM). La ministre a aussi été talonnée au sujet de l'attribution du contrat des compteurs d'eau, le plus important de l'histoire de Montréal. Il y a également tout le travail à accomplir afin d'élaborer un code d'éthique pour les élus municipaux. Sans compter les questions soulevées par sa relation amoureuse avec le député adéquiste François Bonnardel. Au sortir des assises de l'Union des municipalités du Québec, qui ont pris fin hier, les attentes des maires sont grandes. Entretien avec la ministre de l'heure.

Q Il y a 11 000 élus municipaux au Québec. Parlons de l'élaboration du code d'éthique. Il est question d'une mise en application en 2010. Cette idée est-elle née à la suite des révélations troublantes qui touchent Montréal actuellement?

R Assurément, cette idée-là est venue de la volonté du maire de Montréal, ou de sa suggestion. Mais au-delà de sa suggestion, je souhaitais qu'on puisse profiter du questionnement que nous avons eu à l'Assemblée nationale relativement à la mise en place d'un code d'éthique, de déontologie, et même à la nomination d'un commissaire à l'éthique. Il existe des règles et des lois qui encadrent les élus. Mais avec tout ce qui se passe à Montréal, on se demande comment on peut s'assurer de préciser des règles d'éthique. Au-delà de ça, bon an mal an, on reçoit plus de 350 plaintes au Ministère. Et lorsqu'il y a des plaintes en matière d'apparence de conflit d'intérêts, mon expérience me fait dire qu'on a souvent tendance à confondre l'éthique et le droit, la moralité et la légalité. Vous savez, la Ville de Laval a déjà un code d'éthique qui touche à la fois les élus et les employés.

Q On ne peut passer sous silence les révélations récentes contenues dans le rapport du vérificateur général de Montréal au sujet de la SHDM et le contrat des compteurs d'eau. Dans ces deux dossiers, qu'est-ce qui vous interpelle en particulier?

R Dans le cas de la SHDM, ce sont les transactions qui, de toute évidence, n'ont pas été faites dans l'intérêt des contribuables. Ça, c'est inquiétant. Maintenant, je pense qu'il faut se doter de mécanismes pour assurer des suivis plus serrés. Mais le gouvernement ne peut pas se substituer aux administrations municipales. Mon rôle est de m'assurer que les lois et règlements ont été respectés. On peut améliorer les contrôles pour Montréal et pour les autres municipalités. On va le faire cette session-ci avec des lois qui vont toucher directement la SHDM. Mais il faut faire preuve d'une très grande rigueur. Je me limite donc aux faits.

Q Si c'était nécessaire, est-ce que vous iriez jusqu'à réclamer une commission d'enquête publique?

R C'est prématuré. Il faut attendre les conclusions de l'enquête de la Sûreté du Québec. Et, deuxièmement, attendre le rapport du vérificateur général sur le contrat des compteurs d'eau. Lorsqu'on commande une enquête publique, c'est une opération importante qui doit être motivée par des gestes très graves. En fait, il faut une preuve, un argumentaire pour commander une pareille organisation qui mobilise une multitude de personnes et qui peut mobiliser toute une administration. À l'heure où je vous parle, il est beaucoup trop tôt pour recourir à une opération comme celle-là.

Q Parlons maintenant de la gouvernance de Montréal. Gilbert Rozon, du Festival Juste pour rire, a dit qu'il y a trop de roitelets à Mont¬réal, c'est-à-dire trop d'élus, trop d'arrondissements. Il y en a 19 en ce moment. Seriez-vous prête à modifier la structure de la Ville?

R On a déjà permis au prochain maire de Montréal de devenir le maire de Ville-Marie aux prochaines élections. On a permis à la ville centre de rapatrier certaines compétences d'arrondissement. Tout est perfectible parce que, dans l'histoire de Montréal, la gouvernance a évolué. Donc, je suis tout à fait prête à voir comment on peut améliorer ce qui existe déjà. Mais je souhaite le faire en concertation avec l'administration de la Ville de Montréal. Ce n'est pas vrai qu'on va décréter à Québec ce qui est bon pour Montréal. J'ai eu des échanges avec le maire Tremblay à ce sujet et, ce qui ressort, c'est l'importance d'éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de se demander comment construire avec ce que nous avons dans un souci de plus grande efficacité. Il y a une ouverture de ma part pour qu'on puisse s'attaquer à la gouvernance de Montréal. C'est certain qu'au fil des années, avec les fusions-défusions, il y a eu beaucoup d'instabilité. On a senti que Montréal avait besoin de stabilité pour répondre à des enjeux internationaux ou culturels. Mais je le répète, je suis prête à revoir la gouvernance dans un contexte où il faut faciliter les choses le plus possible.

Q Croyez-vous que l'entente sur le transfert de la taxe d'accise dont il a été question plus tôt cette semaine, aux assises de l'Union des municipalités du Québec*, est suffisante pour régler le problème des sources de revenus?

R Malheureusement non. Parce que si la deuxième génération du transfert de la taxe d'accise, au même titre que le partenariat fiscal et financier, est venue apporter un certain baume au milieu fiscal municipal, des enjeux de fond perdurent, comme une trop grande dépendance à l'impôt foncier. Il y a toutes sortes de façons d'y remédier, par exemple des nouvelles tarifications ou des redevances. Donc, dans le cas de Montréal, cette session-ci, nous allons modifier la charte de Montréal pour permettre à la Ville de lever des redevances réglementaires. C'est un concept nouveau en matière de fiscalité municipale, mais le Ministère s'en est inspiré pour la création du Fonds vert. Donc, c'est une redevance que Montréal pourrait percevoir, mais dévolue à un enjeu très particulier, comme l'environnement, en matière de qualité de l'air, de l'eau, ou de salubrité dans la ville. Il y aura énormément de latitude à cet égard. Et la Ville de Montréal nous a déjà dit qu'elle comptait avoir recours à cet outil fiscal pour 2010. Ça pourrait inspirer d'autres municipalités.

Q En terminant, est-ce plus difficile d'avoir les projecteurs braqués sur soi pour ses relations avec la Ville de Montréal ou pour ses relations amoureuses avec un député adéquiste?

R Ha! Est-ce que c'est une question piège? Ça me fait bien sourire parce que, sincèrement, je trouve plutôt sympathiques, au bout du compte, toutes les révélations qui ont été faites sur ma vie privée. Mais je maintiens qu'il y a une ligne à ne pas franchir. Disons qu'il y a des sujets plus joyeux que d'autres.

* L'entrevue avec la ministre Nathalie Normandeau a été réalisée mercredi, soit deux jours avant son discours aux assises de l'Union des municipalités du Québec.