Au printemps de 1972, les trois grandes centrales syndicales du Québec font front commun pour une revendication majeure: un salaire minimal de 100 dollars par semaine pour l'ensemble de leurs membres.

Environ 50 000 des quelque 210 000 travailleurs des secteurs public et parapublic ne gagnent pas cette somme hebdomadaire.

 

Les syndicats réclament aussi une indexation des salaires au coût de la vie et la constitution d'une table centrale pour négocier avec le gouvernement de Robert Bourassa. Il est aussi question de sécurité d'emploi et de régime de retraite.

Les négociations sont pénibles. En mars, les syndicats obtiennent des mandats de grève. La grève générale illimitée est déclenchée le 11 avril.

Selon un article publié à la une de La Presse le même jour, les syndicats promettent de maintenir les services essentiels qu'ils définiront eux-mêmes.

Au bout de 10 jours, le gouvernement Bourassa fait adopter la Loi 19 forçant le retour au travail sous peine de graves sanctions. Les trois chefs syndicaux incitent leurs membres à défier l'ordonnance.

Fin avril, Louis Laberge, Marcel Pepin et Yvon Charbonneau sont sommés de se présenter devant la cour où ils font face à une accusation d'outrage au tribunal. Déclarés coupables, ils sont condamnés à une peine d'un an et envoyés à la prison d'Orsainville près de Québec.

L'affaire provoque un fort mécontentement du public. Des travailleurs du secteur privé se joignent à leurs confrères de la fonction publique pour descendre dans la rue. Durant plusieurs jours, le Québec est paralysé. Jusqu'à ce que les chefs syndicaux portent leur sentence en appel, soient libérés et demandent aux grévistes de retourner au travail.

Pendant ce temps, Robert Bourassa remplace Jean-Paul Lallier par Jean Cournoyer au poste de ministre de la Fonction publique. Les négociations reprennent et les trois centrales syndicales finissent par obtenir le salaire minimal de 100$ par semaine à compter de 1974.

«Le salaire minimum du secteur public augmente alors de 30%, exerçant un effet d'entraînement sur le salaire minimum légal», écrit l'économiste de la CSQ Pierre Beaulne dans le magazine de la CSQ en décembre 2003.

Mais pour les chefs syndicaux, l'histoire ne se termine pas là. Leur cause est rejetée en appel. Ils doivent retourner en prison pour purger leur sentence. Ils se présentement à Orsainville le soir du 2 février 1973. Ils sont libérés après avoir purgé le quart de leur sentence.