Six Fonds d'intervention économique régionaux (FIER) contreviennent aux règles d'Investissement Québec. Ils ont fait plus de 50% de leurs placements à l'extérieur de leur région.

Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, envisage de modifier les règles pour obliger les FIER à investir davantage dans leur région. Malmené une fois de plus en commission parlementaire hier, il a refusé de garantir que des FIER aient respecté la politique en matière de conflits d'intérêts.

 

Selon un document rendu public hier par Investissement Québec, le FIER Carrefour-Capital des Laurentides a investi pas moins de 73% de ses avoirs à l'extérieur de son territoire au 31 décembre 2008. Or, une politique d'Investissement Québec exige qu'au moins 50% des placements se fassent dans la région désignée d'un FIER.

Parmi les 30 FIER régionaux, Carrefour-Capital des Laurentides est celui qui a fait le plus d'investissements jusqu'à maintenant: 11,1 millions de dollars. De cette somme, 8,1 millions ont profité à des entreprises d'autres régions.

Québec a décidé de suspendre le versement de fonds au FIER des Laurentides. Le dossier est «sous examen». Les deux tiers des capitaux des FIER viennent de l'État.

De son côté, le FIER Innovation durable de l'Estrie a fait 60% de ses 6 millions de dollars d'investissements en dehors de la région, ce qui représente 3,6 millions.

Le 7 juillet dernier, le directeur des filiales d'Investissement Québec, Sébastien Boisjoly, a envoyé une lettre à l'administrateur de ce fonds de capital de risque, Jean Pelchat, pour lui demander de se conformer à la règle d'ici le 31 décembre. La situation n'a pas été corrigée.

Les FIER Ville-Marie de Laval et Boréal du Saguenay-Lac-Saint-Jean - dirigés par les sympathisants libéraux Pietro Perrino et Valier Boivin - avaient respectivement 56% et 55% de leurs placements à l'extérieur de leur région au 31 décembre 2008. FIER Ville-Marie - qui a fait 9 millions d'investissements - aurait corrigé le tir depuis. Investissement Québec a donné un «avertissement» au FIER Boréal, qui dispose de 6 millions en capital de risque.

Les deux fonds de la région de Québec, FIER Cap Diamant et FIER Succès, dépassent aussi la limite fixée (55% et 53% respectivement). Ils ont investi environ 10 millions chacun, dont plus de la moitié hors de la capitale.

Mitraillé de questions par l'opposition, Raymond Bachand a répondu que, dans l'ensemble, les FIER font 60% de leurs investissements dans leur région respective, ce qui est conforme aux règles en vigueur. «Globalement, ce programme fonctionne bien», a-t-il dit.

Mais il a ouvert la porte à une modification des règles. «Est-ce que la règle du 50%, ça devrait être 60%, 66%» des investissements dans la région désignée? a-t-il demandé. Il a ajouté qu'Investissement Québec procède à une «évaluation» à sa demande. Une nouvelle règle pourrait être adoptée en vue du versement de 60 millions de dollars de plus aux FIER cette année.

Raymond Bachand entend toutefois laisser aux FIER la possibilité d'investir dans une autre région. «Il ne faut pas qu'un entrepreneur soit aux prises avec le monopole d'un seul FIER. Il ne faut pas qu'un entrepreneur dise: si le patron du FIER ne m'aime pas la face, je suis fait.» Comme un FIER ne peut investir plus d'un million de dollars dans une entreprise, l'intervention d'un FIER d'une autre région peut être nécessaire si un dossier nécessite plus de capitaux, a-t-il affirmé. Il ne voit aucun problème à ce que les FIER de Lanaudière et de la Gaspésie n'aient fait qu'un seul investissement - en Outaouais - depuis leur création il y a un an.

Selon lui, les FIER disposent d'un délai pour se conformer à «la règle du 50%». Or, la politique d'Investissement Québec prévoit que les placements doivent être «calculés annuellement» afin de s'assurer que la règle est respectée.

Le ministre ne peut garantir que les FIER respectent la politique sur les conflits d'intérêts. Le Parti québécois lui a demandé si des administrateurs de deux FIER, MM. Perrino et Boivin, s'étaient placés en situation de conflit d'intérêts en faisant des investissements dans des entreprises dont ils sont actionnaires. «Je ne répondrai pas. C'est une question d'interprétation juridique, a-t-il dit. Je ne ferai ni absolution ni condamnation sur ce qui s'est passé.» La semaine dernière, il assurait pourtant que la politique en matière de conflits d'intérêts avait été respectée.

Selon le député péquiste François Legault, «ça presse qu'on fasse le ménage et qu'on s'assure que les fonds régionaux servent à investir dans les régions. Il faut revoir à la hausse le 50% et tendre vers 100%».

«Les FIER régionaux sont mal conçus, a-t-il ajouté. Il faut effacer tout ça et recommencer à zéro. Parce que dans les régions ressources, ça ne fonctionne pas.» Le privé, qui finance le tiers des capitaux investis par les FIER, cherche un «rendement immédiat», alors que ces régions «ont besoin de capital patient» et que leurs dossiers impliquent souvent de prendre «plus de risque». «Il y a là un problème structurel», a-t-il dit.

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