Le gouvernement du Québec prépare activement l'adoption d'un décret, ou une modification à la Charte de la Ville de Montréal, pour éviter la tenue d'une seconde ronde de consultations publiques sur le projet de construction du CHUM au centre-ville.

«Dans le contexte actuel, on a un préjugé favorable pour l'option décret, a indiqué la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, lors d'un entretien avec La Presse, hier soir. On s'emploie au ministère à analyser tout ça, dans le but de faciliter un processus bien engagé pour lancer le CHUM.»

 

En vertu de la Charte de Montréal, les gros projets, comme les hôpitaux, doivent faire l'objet de consultations publiques. En mai dernier, après un processus de consultations de 19 mois, le conseil municipal de la Ville avait adopté un règlement de zonage, qui fixe des balises au projet de Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

Mais depuis, le projet a changé de façon radicale. L'hôpital Saint-Luc sera démoli; la hauteur du nouveau bâtiment sera augmentée de 80 à 85 mètres; le nombre de places de stationnement est appelé à doubler. Toujours en vertu de la Charte, il devrait y avoir de nouvelles consultations.

De plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer la construction du nouveau CHUM selon le mode de partenariat public-privé (PPP). Des économistes, des urbanistes, des architectes et des médecins demandent qu'il soit construit en mode traditionnel. De son côté, l'Agence des PPP veut lancer l'appel de propositions au plus vite, afin de choisir le consortium qui financera, construira et entretiendra le CHUM pendant 30 ans.

À l'hôtel de ville, c'est le branle-bas de combat. Vendredi, le conseiller municipal Richard Bergeron, chef du parti Projet Montréal, a écrit au premier ministre Jean Charest pour lui demander d'abandonner le mode PPP et de tenir des consultations, tel que le prévoit la Charte de la Ville. Hier matin, le chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville, Benoit Labonté, a convoqué les médias et affiché une position radicalement différente: il a demandé au gouvernement d'adopter un décret pour éviter une deuxième ronde de négociations.

Quelques heures plus tard, André Lavallée, vice-président du comité exécutif de la Ville, révélait que le maire Gérald Tremblay a lui-même demandé aux ministres Yves Bolduc (Santé) et Raymond Bachand (Développement économique) d'adopter un décret ou une mesure législative pour éviter d'autres consultations.

«On reçoit très positivement les demandes du chef de l'opposition et du maire de Montréal, a dit hier soir Mme Normandeau. L'option décret est envisagée sérieusement. On s'emploie au ministère à analyser tout ça. D'autres options que le décret sont sur la table. La Ville de Montréal nous a demandé de modifier sa Charte de façon plus générale, pour éviter d'avoir à retourner en consultations lorsque des modifications mineures sont apportées à certains projets.

«Ce qui nous réjouit, c'est que l'ensemble des élus à l'hôtel de ville veulent éviter de reprendre tout le processus, parce qu'il y a quand même eu déjà plusieurs mois de consultations, des dizaines de mémoires, des centaines de citoyens qui se sont exprimés.»

De son côté, Richard Bergeron a accusé le maire de s'aplatir devant le gouvernement. «Le maire a demandé à Québec de suspendre ses propres pouvoirs. Un mot résume tout cela: l'avilissement. Il est indigne de sa fonction. Il est important d'avoir des consultations publiques, pour qu'au minimum on sache de quoi il s'agit. Sinon, le consortium choisi en PPP va faire des plans en cachette. Ce mode-là va nous coûter beaucoup plus cher et rogner sur la qualité de l'architecture.»