Il n'y avait pas de capes, d'épées, de pistolets chargés de poudre ou de protagonistes debout dans une clairière au petit matin. Et pourtant, il s'agissait bien d'un duel. Dans le coin gauche, la Dame de fer du Québec, Monique Jérôme-Forget, assise dans les fauteuils écarlates du Salon rouge. Dans le coin droit, prenant place à la même table, trois hommes en veston sombre, le péquiste François Legault, l'adéquiste François Bonnardel et le solidaire solitaire Amir Khadir.

Leur mission: attaquer la ministre avec l'arme brûlante de la Caisse de dépôt.

Monique Jérôme-Forget a-t-elle bien dormi dans la nuit de jeudi à hier? En parlementaire expérimentée, et coriace, elle savait très bien ce qui l'attendait hier matin. Un barrage de questions, toutes plus ardues les unes que les autres, sur le désastre de 40 milliards de la Caisse de dépôt. Pendant deux heures, elle a répondu - et souvent évité - les questions de l'opposition.

 

«Les gens veulent avoir des réponses, a-t-elle déclaré d'entrée de jeu. Mais je ne peux pas répondre aux questions fondamentales: qu'est-ce qui s'est passé à la Caisse de dépôt?»

La commission parlementaire d'hier était l'aboutissement d'une semaine très intense pour la ministre des Finances du gouvernement Charest. Le partenariat public-privé au CHUM, dont elle était une ardente partisane, bat de l'aile. Au moment où la crise économique frappe le Québec de plein fouet, elle prépare son budget, qui sera officiellement déficitaire pour la première fois en dix ans. Et il y a, encore et toujours depuis des semaines, cette douloureuse épine au pied de 40 milliards.

Lundi, l'ex-PDG de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, est sorti de son mutisme pour présenter sa version de l'histoire aux 750 convives de la Chambre de commerce. «La Caisse a vécu des moments difficiles et cela me touche profondément», a-t-il déclaré. Mais pourquoi la Caisse a-t-elle accumulé autant de papiers commerciaux, les fameux actifs toxiques qui ont plombé les résultats? «C'est un mystère de la vie», a décrété M. Rousseau, qui a du même souffle refusé catégoriquement de retourner au gouvernement la juteuse prime de départ de 380 000$ dont il a bénéficié.

Disons que plusieurs ont trouvé l'explication un peu courte. L'opposition a réclamé davantage: une commission parlementaire en bonne et due forme. Avec Henri-Paul Rousseau et, aussi, la ministre des Finances. Pendant cinq jours, Jean Charest s'est obstiné: Monique Jérôme-Forget n'allait pas participer à l'exercice afin, disait-il, de ne pas le politiser.

Hier, la Dame de fer a dû elle-même plier. Elle l'a fait avec un certain panache à l'Assemblée nationale. «Il y aura une commission parlementaire ouverte, et je répondrai à vos questions», a lancé Monique Jérôme-Forget, l'index pointé sur la chef de l'Opposition, Pauline Marois.

Hier, les échanges sur les fauteuils écarlates ont été vifs. «Je constate que la ministre des Finances n'a aucune opinion sur le sujet», a lancé le péquiste François Legault. «Le ministère des Finances a-t-il fait de l'aveuglement volontaire?» a renchéri l'adéquiste François Bonnardel. La ministre semblait amochée au sortir de l'exercice: les duels, même sans capes et sans épées, sont un exercice plutôt risqué.