La souveraineté «a le vent dans les voiles», s'il faut en croire Pauline Marois. Mais elle se garde bien de prédire quand se terminera la traversée.

Hormis Jacques Parizeau, qui s'était engagé à tenir un référendum dans la première année d'un mandat péquiste, les chefs du PQ ont toujours aimé que la souveraineté se confonde avec l'horizon... elle recule à mesure qu'on avance.

 

En 1996, Lucien Bouchard disait qu'il en rêvait pour le prochain siècle. À la tête d'un gouvernement en débandade, Bernard Landry avait voulu galvaniser ses troupes: la souveraineté dans 1000 jours! On en est au 2000e. Quand on est le fiduciaire de l'option souverainiste, on n'aime pas les échéances contraignantes: pas de référendum «avant deux ou trois mandats», avait dit Mme Marois. On n'aime pas davantage les occasions de vérifier, concrètement, le chemin parcouru.

Aussi, hier, il fallait voir la mine de Pauline Marois, mi-figue mi-raisin, quand le nouveau responsable du programme, l'universitaire Daniel Turp, ex-député de Mercier, a étalé aussi subitement que publiquement son plan de match. Visiblement, Mme Marois a pris connaissance des intentions de M. Turp en même temps que l'ensemble des militants.

«Je lui en avais glissé un mot», s'est contenté de dire M. Turp, tout sourire, après son discours. L'auteur du manifeste sur la souveraineté, inspiré par l'Écosse, se fait fort d'organiser une «Convention sur l'indépendance nationale du Québec», un événement public qui rassemblera autour d'une table le PQ, Québec solidaire et le Parti indépendantiste ainsi que la kyrielle de groupes et de mouvements voués à l'indépendance du Québec.

Les grands rassemblements

Selon M. Turp, il s'agit de rééditer les rassemblements déterminants des années 60, les états généraux du Canada français, qui ont eu lieu annuellement de 1964 à 1968. «C'est dans l'esprit du Conseil de la souveraineté», a dit laconiquement Pauline Marois avant que l'un de ses conseillers ne remette à aujourd'hui ses explications.

Au PQ, tendre la main à Québec solidaire est un film dans lequel on a déjà joué - c'était comme un mantra, aux réunions du caucus, pour Jean-Pierre Charbonneau. Douce ironie, on peut penser que Patrick Bourgeois et ses disciples du Réseau de résistance du Québécois seront naturellement invités à ces retrouvailles. Hier, tels des soldats en rangs serrés sur le champ de bataille, les députés péquistes faisaient pourtant le coup de feu vers le jeune Bourgeois, trop prompt à la détente dans la controverse autour de la reconstitution de la bataille des Plaines.

Pour l'heure, les militants péquistes, réunis ce week-end dans le premier conseil national depuis les élections, semblaient surtout contents d'être à bord d'un bateau qui ne gîte pas trop. Avec leur retour au titre d'opposition officielle et l'habitude des Québécois d'alterner entre les libéraux et les péquistes, le financement ne manquera pas. Le parti fauché de 2008 devrait voir sa dette de 800 000$ réduite des trois quarts cette année.

La direction du parti n'a guère à s'inquiéter pour le vote de confiance à l'endroit de Mme Marois au prochain congrès - tous les postes de direction ont été pourvus hier par acclamation, par les candidats bénis par Mme Marois et son état-major.

Cap sur l'indépendance

Hier, on était loin des angoisses des 18 derniers mois, durant lesquels les péquistes, assiégés, repoussés aux dernières banquettes de l'Assemblée nationale, se demandaient si leur parti ne passerait pas avec la génération des baby-boomers. «Nous ne sommes pas le parti d'une génération», a soutenu Mme Marois devant les délégués.

Dans son allocution, elle a accordé une très large place au projet souverainiste. Elle a en fait davantage insisté sur l'indépendance que ne le faisaient ses prédécesseurs, Bernard Landry ou André Boisclair. Ces deux-là, il faut le rappeler, étaient face à une échéance électorale bien plus rapprochée. Mme Marois a quatre ans devant elle, quatre longues années pour garder les troupes mobilisées. Et plusieurs prédisent déjà que, à ce moment-là, son adversaire ne sera pas Jean Charest, qui hésitera à solliciter un quatrième mandat.

Charest discrédité

Pour l'instant, M. Charest est la cible évidente. Avec sa volte-face, prévisible, sur le déficit budgétaire, le gouvernement s'est discrédité encore plus vite qu'en 2003, soutient-elle.

Aussi, la crise économique actuelle rend encore plus évidente, pour plusieurs péquistes, la nécessité pour le Québec de diriger sa destinée. Un Québec souverain «serait assis aux grandes tables internationales où les nations se concertent pour amoindrir les effets de la crise», a martelé la chef péquiste.

Mercredi, lorsque la Caisse de dépôt divulguera ses résultats, un lourd nuage éclatera au-dessus de la tête des Québécois. Mme Marois aura beau jeu de rappeler à M. Charest les propos qu'il a tenus durant la campagne électorale, ses assurances que la crise, bien que mondiale, allait épargner le Québec.

Nouveau président du parti, l'ex-député de Joliette Jonathan Valois va dans le même sens: la débâcle économique va donner du carburant aux souverainistes. Cela risque de durer davantage que le scandale des commandites. «Le vent dans les voiles? On n'a plus le vent de face... mais je ne dirai pas aux militants de jeter leurs rames pour autant», a-t-il ironisé.