Le gouvernement Charest prépare une importante opération de relations publiques pour désamorcer la bombe que lui mettra dans les mains la Caisse de dépôt et placement, mercredi, lorsqu'elle publiera ses résultats désastreux de 2008.

Selon ce qu'a appris La Presse, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, souhaite que soit rapidement mise sur pied une commission parlementaire extraordinaire devant laquelle les gestionnaires de la Caisse devront s'expliquer sur leur gestion de l'année passée. Jusqu'ici, Mme Jérôme-Forget s'était contentée de dire que les dirigeants de la Caisse viendraient comme chaque année défendre leur gestion au moment de l'étude des crédits du ministère des Finances.

 

Une commission ad hoc change passablement la donne, car Québec pourra y convoquer l'ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, qui a démissionné en mai 2008. «Le gouvernement veut entendre bien du monde. Autant de boucs émissaires», a dit une source proche de ces tractations. Parmi les gros canons qui ne pourront éviter la sellette, le président du conseil, Pierre Brunet, et Fernand Perreault, qui assure l'intérim depuis le départ de Richard Guay, en novembre dernier.

Selon les informations qui circulent à Québec, avec la débandade des derniers mois à la Caisse, le gouvernement est très tenté de choisir désormais une «valeur sûre» pour prendre la direction de la Caisse. On pense surtout à Jean Houde, actuellement sous-ministre aux Finances.

Joint hier, M. Houde s'est refusé à tout commentaire. Actuellement au centre de la préparation du budget, il sera libre rapidement puisque le budget est attendu «tôt», peu après l'ouverture de la session parlementaire, le 10 mars. Les fonctionnaires ont prêté serment mardi, et la SQ arrivera la semaine prochaine au Ministère.Surtout, M. Houde représente une quantité connue pour le cabinet de Jean Charest.

Issu du milieu bancaire, sa carrière était liée aux ressources humaines davantage qu'au placement. Aussi avait-il été mis de côté rapidement lors de la première ronde de consultation du conseil d'administration. Or cette «réflexion» de mai à septembre 2008 avait finalement retenu Richard Guay, alors vice-président de la Caisse, un choix qui ne s'est pas révélé heureux.

Trois mois après son accession au poste de PDG, en plein krach boursier, M. Guay a dû se retirer pour surmenage. Ce départ en pleine campagne électorale avait plongé dans l'embarras le premier ministre Charest, qui soutenait alors que la situation de la Caisse n'était pas alarmante.

On fait valoir que le choix d'un crack du placement comme M. Guay était malavisé. Longtemps proche du milieu politique, Jean Houde aurait un instinct bien plus sûr pour éviter de placer le gouvernement en mauvaise posture, estime-t-on. Publiées, ces informations mettront toutefois Québec dans l'embarras - la nouvelle loi sur la gouvernance prévoit que la nomination du PDG doit se faire sur recommandation du conseil de la Caisse. Or, une bonne partie de ceux qui siégeront au conseil durant l'année qui vient ne sont pas encore nommés.

Au début du mois, La Presse a révélé que les pertes de la Caisse allaient atteindre 38 milliards de dollars, soit 26% de son portefeuille. Les papiers commerciaux non adossés à des actifs devaient être dévalués à nouveau - les 13 milliards de ces créances douteuses détenues par la Caisse valent environ 45% de moins. La Caisse de dépôt rendra publics ses résultats désastreux de 2008 mercredi prochain, la veille de la date prévue à l'origine. Ce faisant, elle évitera de faire sauter sa bombe médiatique le jour même où l'ensemble des députés libéraux se trouveront réunis à Lévis.