La querelle entre Québec et Ottawa à propos de la péréquation ne cesse de prendre de l'ampleur.Furieux de voir le gouvernement fédéral modifier unilatéralement le calcul des paiements de péréquation, au détriment du Québec, le gouvernement de Jean Charest n'entend pas lâcher prise de sitôt.

«On ne s'en va pas en guerre, mais il n'en demeure pas moins qu'on défend notre point avec vigueur, avec énergie et qu'on va lui transmettre cette information-là constamment. On va le répéter. On va le répéter partout. On va le répéter constamment», a promis la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, jeudi, lors d'un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne.

Excédée par l'attitude d'Ottawa dans ce dossier, la ministre Jérôme-Forget a choisi d'écrire à son homologue fédéral, James Flaherty, pour «remettre les pendules à l'heure» dans une lettre de six pages au ton cinglant.

Québec conclut qu'il perdra beaucoup d'argent, chaque année, si Ottawa persiste à imposer sa nouvelle formule de calcul, et veut donc tout mettre en oeuvre pour tenter d'amener le gouvernement Harper à changer d'idée.

Dans sa lettre, la ministre revient à la charge pour demander à son homologue, comme l'avait fait, en vain, la semaine dernière, le premier ministre Jean Charest, de «suspendre l'application des changements annoncés le 3 novembre dernier».

Québec revendique «une véritable démarche de discussion franche, honnête et transparente» avec les provinces, avant de procéder à quelque changement que ce soit.

La missive de la ministre survient au lendemain d'une sortie de deux ministres conservateurs, Christian Paradis et Jean-Pierre Blackburn, et du député Steven Blaney, affirmant que le Québec n'était nullement pénalisé financièrement par Ottawa et que le déséquilibre fiscal était une chose réglée.

Autant jeter de l'huile sur le feu. Mme Jérôme-Forget n'a donc pas tardé à sortir sa plume pour faire un rappel des événements des derniers mois, en vue de «rectifier les faits» et exprimer son «indignation».

Elle reproche plusieurs choses à M. Flaherty, dont le fait d'avoir annoncé «cinq minutes avant la fin de la rencontre» des ministres des Finances, le 3 novembre, qu'il allait changer la méthode de calcul de la péréquation.

«Il n'a pas été possible d'avoir quelque discussion que ce soit malgré l'importance du sujet», lui reproche-t-elle, dénonçant le manque de transparence du procédé.

Québec évalue le manque à gagner qui en résulterait à environ 1 milliard $, à compter de 2010.

Une des revendications du Québec a trait aux dividendes d'Hydro-Québec. Ottawa a choisi de considérer les revenus générés par Hydro One en Ontario comme des sommes issues des «impôts de sociétés» et non de profits générés par l'exploitation des ressources naturelles, comme au Québec.

Or, si Ottawa appliquait à Hydro-Québec la même logique qu'à Hydro One, Québec engrangerait 250 millions $ de plus par année, a-t-on calculé.

«Cela avantage l'Ontario et cela avantage bien sûr Ottawa», déplore la ministre qui revendique le même traitement pour le Québec.

En somme, en écho aux propos tenus la semaine passée par M. Charest, lors de la rencontre fédérale-provinciale des premiers ministres, elle estime que le gouvernement fédéral a manqué à sa parole, en décidant de «changer les règles du jeu comme bon lui semble», en matière de redistribution de la richesse aux provinces.

L'impasse semble complète entre les deux capitales, dans ce dossier, aux allures de dialogue de sourds.

Par exemple, Québec nie les prétentions du ministre Flaherty, qui a justifié l'adoption d'une nouvelle méthode de calcul par le fait que la péréquation pouvait augmenter de 15 pour cent par année, un chiffre «nettement exagéré», selon la ministre, puisque cela ne s'est jamais produit dans le passé.

«Non seulement ce n'est pas prouvé, mais ça ne reflète pas les chiffres qu'on a connus depuis 2005», soutient mordicus la ministre.

Bon an, mal an, depuis quelques années, le Québec reçoit d'Ottawa plus de 8 milliards $ par année au chapitre de la péréquation, devenue une source essentielle de revenus pour équilibrer son budget.