Pressé de se colleter avec la crise économique mondiale, le premier ministre Jean Charest veut convoquer d'urgence l'Assemblée nationale, juste avant Noël.

Cette impatience, a appris La Presse, répond aussi à des considérations plus triviales. En ramenant la Chambre, on pourra redémarrer le compteur pour les primes salariales importantes d'une vingtaine de députés libéraux qui se verront affectés à des fonctions parlementaires.

Selon le scénario examiné actuellement, ont indiqué des sources libérales, M. Charest proposera à la chef péquiste Pauline Marois de revenir siéger pour une journée à l'Assemblée nationale, le 22 ou le 23 décembre. Cette journée permettrait à la fois de choisir le nouveau président de l'Assemblée nationale et de procéder à la lecture du message inaugural.

Le PQ gagne aussi à cette opération : les vice-présidents de commissions parlementaires et un vice-président de l'Assemblée viennent des banquettes de l'opposition.

Le premier ministre Charest doit rencontrer aujourd'hui ou demain la chef du PQ. «M. Charest veut rencontrer Mme Marois cette semaine, pour le reste toutes les options sont ouvertes», s'est contenté de dire Hugo D'Amours, son porte-parole, ne pouvant nier les informations que lui rapportaient La Presse.

Cette opération permettrait aussi au gouvernement de dévoiler de façon officielle son plan économique, des mesures destinées à soutenir l'emploi en cette période qui s'annonce difficile.

Mardi, en point de presse, le premier ministre Charest était resté bien nébuleux sur son échéancier, se contentant de souligner que des gestes devraient être faits «le plus vite possible» sur le front de l'économie.

Des primes

Ce que personne ne dira toutefois c'est qu'en rappelant la Chambre rapidement, le gouvernement pourra immédiatement nommer, parmi ses députés, les présidents de commissions parlementaires, les membres du bureau, les présidents de séance, le whip, ses adjoints, et le président du caucus, en tout une vingtaine de postes dotés de primes de 20 à 25% en plus de leur salaire de député. En gros ces primes annuelles représentent autour de 20 000$ par élu.

Autre avantage pour Jean Charest, l'opération lui permettra de changer sans plus tarder le président de l'Assemblée nationale. L'arrivée du péquiste François Gendron en novembre dernier avait mis le premier ministre carrément hors de lui, il avait même fait fi de la tradition parlementaire voulant que les chefs de parti fassent mine de forcer le président à monter sur le Trône.

Les avis sont très partagés sur l'identité du candidat que proposera Jean Charest pour la présidence de l'assemblée. Certains croient qu'il reviendra avec Yvon Vallières (Richmond), candidat écarté après la concertation entre l'ADQ et le péquiste François Gendron, en novembre dernier. M. Vallières s'était dit « floué » par cette manoeuvre. On peut imaginer que les rapports avec l'opposition officielle en seraient assombris, craignent certains qui pensent que M. Charest voudra plutôt repartir sur des bases nouvelles avec une autre suggestion, un Jacques Chagnon (Westmount) par exemple.

À la dissolution de la législature, le 5 novembre, le décret du gouvernement avait fixé au 13 janvier la rentrée parlementaire, ce qui aurait retardé d'un mois le début des prestations pour tout le monde.

Ce retour en dehors du calendrier normal du Parlement posait aussi un autre problème. Il aurait été plus difficile de contrer une guérilla parlementaire du côté de l'opposition, qui risquait de bousiller la rentrée du gouvernement - le 22 ou le 23 décembre font partie du calendrier normal où l'Assemblée peut siéger.

Le 13 janvier posait aussi un problème, aussi trivial : bien des ministres avaient planifié des vacances plus longues. Au surplus, cette rentrée serait tombée deux semaines avant le budget fédéral du 27 janvier, et trois jours avant une rencontre fédérale-provinciale des premiers ministres à Ottawa.

Conseil des ministres

Aussi, les libéraux ont devancé leur planification pour la formation du gouvernement. La prestation de serment des nouveaux députés libéraux est prévue pour l'après-midi du 16 décembre. Le Conseil des ministres serait formé le même jour, ou dès le lendemain matin. À la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, on a passé le message que la rencontre de mercredi prochain, le 17, serait la première du nouveau gouvernement.

On s'attend à ce que M. Charest nomme 24 ministres. Publiquement, le premier ministre Charest a indiqué qu'un Conseil des ministres réduit, à 18 personnes comme depuis 2007, avait représenté une énorme charge de travail pour plusieurs.

Toute cette opération se complique de problèmes logistiques. Monique Jérôme-Forget, qui sera reconduite aux Finances, a confirmé à La Presse qu'elle se rendrait à Saskatoon pour une conférence des ministres des Finances le 17 janvier. Elle pourrait rater les premières heures de la rencontre, précise-t-on par ailleurs.

Les députés péquistes prêteront serment le 18 décembre.