L'ex-lieutenant-gouverneur du Québec Lise Thibault devra rembourser les sommes dépensées à des fins personnelles au cours de son mandat de 10 ans comme représentante de la reine à Québec.

Le gouvernement du Québec a déjà réservé les services d'une firme spécialisée pour identifier les dépenses qui n'auraient pas dû être remboursées à Mme Thibault, a indiqué hier le secrétaire général du gouvernement, Gérard Bibeau, devant la Commission de l'administration.

Les juricomptables auront à passer au peigne fin les 50 caisses de documents dès que la Sûreté du Québec les aura rendues au gouvernement. L'escouade des crimes économiques achève son enquête sur les dépenses de celle qui a représenté la reine de 1997 à 2007.

Fort attendu, le témoignage de Mme Thibault en commission parlementaire hier a été d'une rare intensité. Émotive, tremblante, elle est sortie de ses gonds à la fin de sa comparution de deux heures. «Vous osez me poser une question comme ça!» a-t-elle lancé à Agnès Maltais. La péquiste voulait savoir si Mme Thibault s'était sentie justifiée de réclamer davantage de remboursement parce qu'elle avait été nommée juste après le référendum de 1995.

Incapable de marcher à la suite d'un accouchement, Mme Thibault a expliqué que sa famille était «tissée très serré». C'est pourquoi elle s'est sentie justifiée de réclamer un remboursement pour la réception d'anniversaire de sa fille - 4000$ - qui coïncidait avec l'anniversaire de sa nomination.

Thibault contredite

Mme Thibault a été souvent contredite hier. Elle a soutenu que le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, ne lui avait pas donné la chance de s'expliquer autrement «qu'en 250 mots» avant de publier rapidement son rapport accablant. «S'il avait respecté la personne et l'institution et la population pour donner un rapport honnête, juste, il aurait pris le temps de le faire», a accusé Mme Thibault.

Publiant tout de suite un communiqué, M. Lachance a précisé qu'il avait rencontré trois fois Mme Thibault, dont une fois en compagnie de Sheila Fraser, la vérificatrice fédérale. Mme Thibault a eu tout le temps requis, et a pu transmettre tous les commentaires qu'elle souhaitait. Les rapports en ont d'ailleurs tenu compte, explique M. Lachance.

Mme Thibault n'a pas eu plus de chance avec Monique Jérôme-Forget. Elle avait soutenu que la ministre lui avait offert d'augmenter son budget de fonctionnement, ce qu'a nié catégoriquement cette dernière.

Mme Thibault a dit ne jamais avoir demandé de traitement spécial pour ses employés. Deux heures plus tôt, le secrétaire général Bibeau avait souligné que le Conseil exécutif avait dû bloquer des augmentation de salaires dépassant les normes et des demandes pour rembourser 100% des congés de maladie à un employé partant à la retraite - c'est normalement 50%.

Le Conseil exécutif «payait ce qui arrivait de votre cabinet les yeux fermés, ce n'est pas très glorieux, mais vous avez donc l'entière responsabilité des dépenses qui ont été injustifiées», a lancé à Mme Thibault le président de la commission, l'adéquiste Gilles Taillon.

«Ils avaient juste à s'ouvrir les yeux!» a répliqué Mme Thibault.

«Nous avons la certitude que vous vous êtes dépensée sans compter», de conclure, incisif, Gilles Taillon.

Mme Thibault gagnait environ 170 000$ par année en fin de mandat si on inclut l'indemnité non imposable de 4000$ par mois. Elle avait une voiture de fonction et un garde du corps 24 heures sur 24.

La voix brisée, tremblante, elle s'est décrite comme «une humaniste plutôt qu'une administratrice». Plus tard cependant, elle a insisté sur ses longs états de service comme présidente de l'Office des personnes handicapées et comme vice-présidente de la CSST. «Je voulais que le citoyen voie que ce dont on m'accusait était tout simplement bas, ridicule, disgracieux, mesquin et méchant», a-t-elle dit, rappelant qu'elle avait elle-même sollicité l'enquête du vérificateur général, sûre qu'elle serait blanchie.

Mme Thibault a rappelé que les gouvernements successifs n'avaient rien eu à lui reprocher, et que ses prédécesseurs «faisaient ce qu'ils voulaient». Elle s'est emportée quand les députés lui ont rappelé ses importantes dépenses de voyage. «Je voulais être le lieutenant-gouverneur de tout le Québec, pas de la Ville de Québec! C'est ce que j'ai fait!»

Elle attaque les médias qui ont rapporté ses excès. «Je prie le ciel de ne pas envoyer en enfer les gens qui viennent briser les humains.»

Sa fondation, qui dotait les centres de ski de nacelles pour permettre aux handicapés de descendre les pentes, visait à «changer notre façon de voir la vie, c'était oser les «autrement»... J'ai comme conviction qu'oser la vie c'est créer des «autrement» remplis d'espoirs».

Les fleurs au cabinet du lieutenant-gouverneur coûtaient 10 000$ par année. Il en coûtait environ 40 000$ par année pour les services des photographes officiels. Les fonds publics ont payé la note pour qu'un de ses gardes du corps lui amène en Floride sa voiturette de golf adaptée. «Avez-vous déjà essayé de pousser un fauteuil roulant dans le sable... pour aller mettre vos doigts de pied dans la mer?» a-t-elle expliqué.