Le gouvernement fédéral et l'Ontario préparent le terrain à un retour aux déficits budgétaires l'an prochain, mais le gouvernement de Jean Charest croit de son côté pouvoir traverser la crise économique en préservant l'équilibre des finances publiques.

«Nous, on ne prévoit pas faire de déficit», a soutenu hier M. Charest après six heures de réunion avec ses collègues des autres provinces.Dès son arrivée à la réunion du Conseil de la fédération il avait sursauté quand les journalistes avaient évoqué un retour à l'encre rouge dans les documents budgétaires. Un déficit? «On n'est pas là du tout», a-t-il rétorqué spontanément. «Du côté québécois, on a planifié, fait des réserves, tout fait pour assurer l'équilibre budgétaire. C'est au Québec que l'on a le mieux contrôlé la croissance des dépenses.»

À la fin de la conférence, il soulignait que «chaque gouvernement est libre de déterminer son plan d'action» en matière de finances publiques, mais Jean Charest tranchait par son optimisme parmi les leaders des provinces.

Son collègue de l'Ontario, Dalton McGuinty, a clairement indiqué que sa province, traditionnellement riche, se dirigeait vers un déficit. Queen's Park doit aujourd'hui présenter un minibudget pour finir l'année 2008-2009. Pas question pour lui de hausser taxes et impôts, et il faudra, insiste-t-il, être très prudent avant de réduire les services. Finalement «vous n'avez pas beaucoup de choix». Les déficits «temporaires, cycliques» sont tolérables, selon l'Ontarien qui, avec ses collègues du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, est parti avant la fin la conférence parce qu'elle s'allongeait en après-midi.

En fin de semaine, le ministre des Finances du Canada Jim Flaherty était beaucoup moins catégorique sur la capacité d'Ottawa de maintenir un budget équilibré après une récession appréhendée. «Nous ne sommes pas une île», avait-il soutenu. L'économiste en chef de la Banque Toronto Dominion avait prédit la semaine dernière que le fédéral devrait consentir à un déficit de l'ordre de 10 milliards dans son prochain budget.

La mise à jour de la situation économique présentée la semaine prochaine par la ministre Monique Jérôme-Forget distribuera différemment le bas de laine de 1,8 milliard déjà prévu pour équilibrer les budgets en 2008-2009 et 2009-2010.

Les rentrées de cette année sont meilleures que prévu dans le dernier budget, la «réserve» sera donc moins entamée. Aussi, pour 2009-2010, Québec aura accès à bien plus que les 250 millions, le reste de l'enveloppe prévu au budget. Après des années de budgets déficitaires, le gouvernement Bouchard avait présenté un premier budget équilibré en 1998, au prix de douloureuses réductions de programmes. La croissance économique prévue l'an prochain, 2% selon le dernier budget, sera diminuée de moitié, pour être conforme aux prévisions des institutions financières, le 1,5% de l'année en cours est déjà jugé trop élevé.

Les premiers ministres, hier, ont entendu des économistes de la Banque Royale, qui ont brossé un portrait sombre des perspectives tant à l'échelle canadienne que provincial. L'Ontario surtout sera malmené, son secteur manufacturier est déjà mal en point, sa concentration en services financiers fera qu'elle ne sortira pas indemne de la crise.

La réunion d'hier visait surtout à «préparer le mieux possible» la prochaine rencontre fédérale provinciale sur la crise financière, a soutenu M. Charest. On souhaite une conférence «le plus tôt possible» clairement avant la fin de 2008. Selon M. Charest, des gestes pour stimuler l'économie peuvent s'avérer nécessaires. «Sur mon écran radar, je vois des gestes pour favoriser la croissance, des investissements stratégiques en infrastructures, des gestes au niveau manufacturier, forestier. Aussi, il faut intervenir au niveau des ressources humaines. La crise financière actuelle, son impact sur l'économie canadienne commandent un effort plus grand que ce que nous avons connu en termes de collaboration fédérale-provinciale dans les dernières années.»

Dalton McGuinty craint que les problèmes financiers d'Ottawa ne poussent le gouvernement Harper à adopter la stratégie libérale des années 90 et à refiler la facture aux provinces, en réduisant les transferts en santé et en éducation postsecondaire.