Le premier ministre Jean Charest ne pouvait guère être plus limpide hier: dans son gouvernement, en ce lendemain d'élections fédérales, «on n'a pas la tête à une autre priorité que l'économie». Exit les scénarios de campagne électorale en décembre; la sécheresse de la réponse de l'électorat québécois à Stephen Harper n'augurait rien de bon pour une seconde campagne.

Ce sera la seule bonne nouvelle de la semaine pour Mario Dumont. La contre-performance des conservateurs au Québec mardi est un fort mauvais présage pour l'ADQ. Pour minimiser les sondages déprimants, les adéquistes rétorquent depuis des mois que «sur le terrain», la ferveur est toujours là. Or si les hordes de sympathisants adéquistes du printemps 2007 sont toujours au rendez-vous, cela n'a pas paru mardi dans les circonscriptions ciblées par l'organisation adéquiste.

 

Hier, le père fondateur de l'ADQ, Me Jean Allaire, a fait le bilan des dommages. Stephen Harper a carrément manqué de flair pour sa campagne québécoise, ses intentions en culture ont été «très mal expliquées» par ses porte-parole. «Le Québec s'est senti attaqué avec cette histoire, l'excitation a été générale... pour pas grand-chose selon moi», a-t-il déploré.

Mais surtout, selon lui, Mario Dumont s'est trop avancé en appuyant explicitement les conservateurs de Stephen Harper. «Il est allé trop loin en disant qu'il voterait conservateur. Je ne veux pas critiquer, mais je pense qu'un parti provincial ne devrait pas s'impliquer sur la scène fédérale», a résumé Me Allaire, ajoutant que «l'ADQ avait beaucoup de travail à faire» pour préparer sa propre organisation avant d'aller flirter avec la scène fédérale.

En dépouillant les résultats dans les circonscriptions où son parti s'était impliqué, hier matin, Mario Dumont a dû lui donner raison.

Dans Rivière-des-Mille-Îles, un adéquiste de la première heure, le conservateur Claude Carignan, a fini avec deux fois moins de votes que le bloquiste Luc Desnoyers. Dans Trois-Rivières, la conservatrice Claude Durand avait eu la bénédiction urbi et orbi de Sébastien Proulx, l'adéquiste. Dans Québec, le même sort attendait Myriam Taschereau qui, elle, avait comme allié l'adéquiste Sylvain Légaré. Christiane Gagnon du Bloc, a récolté deux fois plus de voix, une répétition du scrutin de 2006 quand les conservateurs n'avaient pu trouver d'appui dans la haute-ville, expliquait hier M. Légaré.

Dans l'Abitibi, Pierre Brien, ex-député et employé politique de l'ADQ, a appuyé publiquement les candidats conservateurs, qui se sont fait battre sans appel.

Mario Dumont s'est dit déçu hier de voir la place du Québec réduite dans le prochain gouvernement Harper; «on peut parler d'affaiblissement» du Québec, a-t-il affirmé. Pour sa remontée inattendue, Gilles Duceppe peut dire merci à Jean Charest, a insisté Dumont: «C'est Jean Charest qui a sauvé le Bloc et je ne pense pas qu'ainsi il a servi les intérêts du Québec.»

L'incapacité des conservateurs à recruter des grosses pointures, même s'ils étaient au pouvoir et en avance dans les sondages, vient de ces stratèges plus proches des libéraux provinciaux. Ils «se sont tassés pour laisser les balles frapper Stephen Harper».

Mulroney avait des lieutenants solides au Québec, Benoit et Lucien Bouchard, les Monique Vézina ou Gilles Loiselle. Harper n'avait pas les mêmes renforts.

Johanne Marcotte, un temps conseillère de Mario Dumont, estime que ces adéquistes passés chez les conservateurs «n'ont jamais gagné d'élections. Ils n'étaient pas là en 2007, mais en 2003 quand tout s'était effondré».

Les conservateurs n'ont pas progressé au Québec, les adéquistes doivent-ils s'en inquiéter?

«Il y a bien d'autres choses qui m'inquiètent... c'est le comportement de l'ADQ surtout qui est inquiétant. Il va falloir qu'ils se raplombent et préparent une plateforme cohérente», prévient Mme Marcotte, rejoignant en cela Jean Allaire.