Le Bloc québécois est réuni en congrès à Sorel-Tracy cette fin de semaine pour officialiser la « refondation » du parti indépendantiste fédéral au terme d'une année marquée par les déchirements et l'arrivée d'un cinquième chef depuis 2011.

Dans son discours d'ouverture aux membres, Yves-François Blanchet a insisté sur la pertinence du Bloc québécois jusqu'à l'accession du Québec à l'indépendance.

À coups d'exemples au sujet de la dépendance du Canada au pétrole, des promesses trahies d'Ottawa, de la gestion de l'offre et de la saga SNC-Lavalin, le chef a martelé la nécessité de « donner le goût » aux Québécois d'accorder leur confiance au Bloc pour défendre leurs intérêts jusqu'à ce que les souverainistes concrétisent l'indépendance.

« Les souverainistes vont réussir. Le Bloc québécois va réussir. Il mènera une bataille dont tout le Québec sera gagnant. [...] Le Québec nous regarde et nous juge. Le Québec n'est pas obligé de voter pour nous, il faut lui en donner le goût », a-t-il plaidé.

Au sujet de cette « refondation » du Bloc québécois, le nouveau patron a souligné l'initiative de son forum jeunesse qui « a innové en invitant toute la population à déposer des propositions et à débattre de propositions ».

La démarche a mené à l'adoption d'un nouveau programme « qui alimente la réflexion sur un pays » et qui doit faire en sorte que la population se reconnaisse dans ses élus.

Bénédiction de Duceppe

En marge du grand renouveau à Sorel-Tracy, les anciens avaient rendez-vous à Longueuil. Un bon nombre d'ex-députés bloquistes ont fait un saut au congrès pour encourager la relève, dont l'ex-chef Gilles Duceppe.

Dans un discours énergique, celui qui a connu les beaux jours du Bloc a accordé un appui senti au nouveau visage du parti.

« J'ai confiance en nos députés, j'ai confiance en nos candidats et candidates, j'ai confiance en nos jeunes et j'ai confiance en notre chef Yves-François Blanchet, alors au travail mes amis ! », a-t-il lancé à la foule en liesse.

Le Canada n'est pas vert

Interpellant les dizaines de milliers de jeunes Québécois qui se sont mobilisés pour manifester en faveur de l'urgence climatique, tout comme des millions d'autres à travers le monde, M. Blanchet a voulu faire la démonstration que le Canada ne peut pas être « vert ».

« Le Canada est un pays pétrolier. Un Québec plus vert, plus écologiste ne peut exister que s'il est indépendant », a soutenu le chef en ajoutant que les oléoducs vont continuer de prospérer sans que la province ait véritablement son mot à dire.

Parmi les propositions incluses dans son programme de refondation, le Bloc s'engage d'ailleurs à appuyer le Pacte de transition pour le climat ainsi qu'à défendre la « souveraineté environnementale du Québec ».

Bloc et PQ unis

Le chef du Parti québécois, Pascal Bérubé, a pris la parole en ouverture pour réitérer les liens de la famille indépendantiste. Il a assuré l'appui des ressources péquistes derrière le Bloc à l'élection fédérale de l'automne prochain.

« Nos deux mandats sont liés et indissociables. Notre destin est lié, notre combat est le même, nos espérances sont partagées », a-t-il déclaré.

Si l'appui du PQ semble indéfectible dans la bouche de Pascal Bérubé, il ne doit pas s'attendre au même traitement en retour. Selon les propositions du nouveau programme bloquiste, le parti fédéral veut se positionner comme « lieu de rencontre de tous les indépendantistes ».

« Le positionnement stratégique et électoral de chacun des partis oeuvrant sur la scène provinciale sera respecté dans l'optique de favoriser la bonne entente pour faire conjointement du Québec un pays », peut-on lire dans le document soumis aux membres.

Un observateur catalan invité

Pour une rare fois, ce ne sont pas les délégués de Gaspésie, d'Abitibi ou de la Côte-Nord qui ont fait le plus long voyage pour participer au congrès du Bloc québécois cette fin de semaine à Sorel-Tracy. Un invité de Catalogne a accepté de se joindre à l'événement par solidarité indépendantiste.

Premier vice-président du parlement de Catalogne, Josep Costa, dit observer la politique québécoise depuis très longtemps en raison de la lutte similaire que son peuple mène pour s'affranchir de l'Espagne.

Il dit avoir suivi avec intérêt les résultats des référendums tenus au Québec. « Deux expériences très intéressantes pour notre démarche », souligne-t-il.

Plus particulièrement, c'est la réaction des institutions canadiennes face à ces exercices démocratiques que M. Costa aimerait voir imiter par Madrid. « Notamment la Cour suprême qui a statué que le Québec a le droit d'organiser des consultations populaires. Nous aimerions bien pouvoir obtenir cette même reconnaissance chez nous », mentionne celui qui siège comme indépendant.

À la suite du référendum remporté aisément par les indépendantistes, mais saboté par Madrid qui n'a jamais voulu reconnaître le résultat, tout le gouvernement de Catalogne a dû s'enfuir hors du pays ou faire face à la justice.

« Ils font face à une peine maximale de 25 ans de prison, alors qu'il n'y a évidemment pas de crime ! Même selon la loi espagnole, rien n'indique que de tenir un référendum est un crime. C'était le cas auparavant, mais la loi a été changée en 2005 », dénonce Josep Costa.

« Ils ont inventé qu'il s'agissait d'une rébellion. Ils traitent notre référendum de la même manière que le coup d'État armé de 1981, ça ne fait aucun sens ! », renchérit le politicien qui s'adresse à toutes les tribunes à travers le monde pour appeler la communauté internationale à intervenir dans le conflit.

Josep Costa souhaite qu'une médiation organisée par la communauté européenne, par exemple, puisse faire entendre raison à l'Espagne et lui dise qu'elle ne peut pas retenir les Catalans de force.

« Le fait que ces politiciens élus se retrouvent en prison pour avoir fait un exercice démocratique est une honte », s'insurge-t-il. Selon lui, le débat ne porte même plus sur l'indépendance, mais carrément sur le respect de la démocratie et des droits de la personne.

Le vice-président du parlement de Catalogne insiste sur le fait que la région autonome n'a même pas demandé officiellement la reconnaissance de son indépendance. Elle n'en a pas eu l'occasion.

« Tout ce que l'on veut, c'est avoir la chance de tenir un référendum exécutoire, conforme, et reconnu par les deux camps pour permettre aux Catalans de décider de leur avenir », réclame-t-il depuis le hall d'entrée de la salle Jani-Ber à Sorel-Tracy, Québec.