C'est aujourd'hui que le comité de la justice de la Chambre des communes doit décider s'il réinvite l'ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould à témoigner. De plus, celui qui est chargé de faire la lumière sur la controverse, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique Mario Dion, s'absentera de façon prolongée. Survol.

Réunion d'urgence du comité de la justice

Le comité de la justice de la Chambre des communes se réunit d'urgence aujourd'hui, à la demande des membres des partis de l'opposition, pour notamment décider si l'ancienne ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould sera réinvitée à témoigner pour approfondir sa version des faits à la lumière des témoignages fournis par l'ex-secrétaire principal de Justin Trudeau, Gerald Butts, et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, la semaine dernière.

Lundi, la chef adjointe du Parti conservateur, Lisa Raitt, a, dans une lettre adressée au président du comité de la justice, Anthony Housefather, également cité le rappel à l'ordre poli de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui s'est dite « préoccupée » par les allégations d'ingérence politique dans l'affaire SNC-Lavalin.

Ces développements « troublants », écrit Mme Raitt, doivent « être soigneusement considérés » par le comité de la justice. « Un examen vraiment solide permettrait à Jody Wilson-Raybould de faire un témoignage exhaustif », ajoute-t-elle. Mme Wilson-Raybould s'est déjà dite ouverte à témoigner de nouveau.

Le commissaire à l'éthique s'absente

Moins d'un mois après avoir annoncé la tenue d'une enquête sur de possibles « tentatives d'influence » dans l'affaire SNC-Lavalin, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mario Dion, doit s'absenter de façon prolongée pour des raisons médicales.

Le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique a néanmoins assuré hier que le travail d'enquête amorcé par M. Dion allait se poursuivre malgré « ces circonstances exceptionnelles ».

« Le Commissariat continue de recueillir des renseignements dans le cadre de toute enquête en cours. En raison des exigences de confidentialité statutaires en vigueur, nous ne ferons aucun autre commentaire à cet égard », a indiqué la directrice des communications, Melanie Rushworth. Elle a aussi précisé que le président de la Chambre des communes, Geoff Regan, et le bureau du Conseil privé avaient été informés.

Selon nos informations, l'état de santé de M. Dion serait suffisamment grave pour que le premier ministre Justin Trudeau soit forcé de le remplacer. Dans la foulée de l'éclatement de l'affaire SNC-Lavalin, M. Dion a accepté, à la demande de députés du NPD, de démarrer une enquête sur de possibles tentatives d'ingérence politique.

Aucun mot sur SNC-Lavalin

Même si le procès criminel pour fraude et corruption qui touche SNC-Lavalin a fait l'objet de nombreuses tractations entre le bureau du premier ministre Justin Trudeau et celui de l'ancienne ministre Jody Wilson-Raybould, l'automne dernier, les fonctionnaires chargés de préparer le cahier d'information à l'intention du nouveau ministre de la Justice et procureur général, David Lametti, ne soufflent aucun mot sur ce dossier.

Ils se contentent de souligner à M. Lametti, nommé à ce poste le 14 janvier lors d'un remaniement ministériel, qu'un nouveau régime est entré en vigueur et permet de conclure un accord de réparation avec des entreprises qui doivent répondre à diverses accusations. L'information tient sur une page seulement.

« Cette nouvelle approche démontre l'engagement du gouvernement du Canada de s'attaquer à la criminalité des entreprises, qui peut avoir de lourdes conséquences sur les tierces parties telles que les victimes, les employés, les fournisseurs, les retraités et les investisseurs », peut-on lire dans les documents. La Presse les a obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le rappel à l'ordre de l'OCDE

La sortie du Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption lundi constitue un puissant rappel à l'ordre pour le gouvernement Trudeau sur l'importance de respecter l'indépendance du système judiciaire quand il s'agit « de poursuites dans les affaires de corruption transnationale ». Selon Jennifer Quaid, professeure adjointe à la section de droit civil de l'Université d'Ottawa et spécialiste du droit pénal des entreprises, la décision de ce groupe de l'OCDE d'exprimer ses préoccupations à la suite des allégations d'ingérence politique du bureau du premier ministre dans l'affaire SNC-Lavalin est loin d'être banale.

« Je n'ai jamais vu quelque chose de la sorte. La toile de fond de tout cela, c'est que le Canada n'avait pas une bonne réputation, du moins au début, d'être particulièrement enthousiaste à l'idée de sanctionner la corruption internationale. On a été considéré un peu comme un retardataire. On n'était pas parmi les plus zélés. Depuis un certain temps, le Canada oeuvre à réhabiliter cette impression », a indiqué Mme Quaid.

Elle a souligné que le Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption, dont le Canada fait partie, ne veut pas que les pays membres s'activent pour protéger leurs entreprises locales quand elles sont visées par des accusations de corruption transnationale.

Plainte au Commissariat au lobbying

Selon l'hebdomadaire The Hill Times, l'organisme Democracy Watch prévoit déposer une plainte au Commissariat au lobbying du Canada contre l'ex-greffier du Conseil privé, maintenant président du conseil d'administration de SNC-Lavalin, Kevin Lynch, qui a personnellement appelé l'actuel greffier du Conseil privé, Michael Wernick, pour lui parler de la situation de la firme d'ingénierie.

Or, cet appel, fait le 15 octobre dernier, n'a pas été inscrit au registre des lobbyistes. M. Lynch n'est d'ailleurs lui-même pas inscrit à ce registre. Une porte-parole de SNC-Lavalin a indiqué à The Hill Times que l'appel visait à informer M. Wernick de la décision de la directrice des poursuites pénales (DPP). Un examen du Commissariat au lobbying permettrait de conclure si la Loi sur le lobbying a été enfreinte, estime Democracy Watch.

C'est M. Wernick lui-même qui a confirmé avoir accepté l'appel de M. Lynch lors de sa deuxième apparition devant le comité de la justice, le 6 mars. Dans son témoignage, M. Wernick a expliqué que M. Lynch lui avait alors exprimé sa frustration en lien avec la décision de la DPP de ne pas négocier un accord de réparation avec SNC-Lavalin en plus de lui demander « si quelque chose pouvait être fait » pour changer la situation. M. Wernick a affirmé lui avoir répondu qu'il devait se référer au ministère de la Justice.