Jody Wilson-Raybould aurait apporté une riche expérience au portefeuille des Services aux Autochtones, y compris une grande connaissance de l'univers politique des Premières Nations, ont déclaré certains chefs autochtones, jeudi, alors qu'ils remettaient en question sa décision de renoncer à ce poste au sein du cabinet.

Gerald Butts, l'ancien proche conseiller du premier ministre Justin Trudeau, a déclaré mercredi devant un comité de la Chambre des communes que le portefeuille des Services aux Autochtones récemment créé avait été proposé à Mme Wilson-Raybould dans le cadre d'un remaniement en janvier.

Elle l'a refusé, en mentionnant son opposition de longue date à la Loi sur les Indiens, qui confère des pouvoirs au gouvernement fédéral dans plusieurs domaines, notamment dans ceux des testaments, de la propriété foncière et de l'administration des communautés autochtones.

Heather Bear, vice-chef de la Federation of Sovereign Indigenous Nations, qui regroupe 74 premières nations de la Saskatchewan, s'est demandé si ça aurait été une avancée positive que l'ancienne ministre de la Justice occupe ce poste. Mme Wilson-Raybould aurait pu trouver d'autres moyens de résoudre les problèmes que vivent les peuples autochtones, a déclaré Mme Bear.

« J'aurais bien accueilli sa présence là-bas afin de réparer ce que nous savons être mauvais dans le système, a-t-elle déclaré jeudi. Je me demande s'il aurait été sage ou non pour elle d'occuper ce poste et peut-être de proposer des solutions, mais c'est une situation difficile. »

Les libéraux de Justin Trudeau ont indiqué clairement qu'ils comptent réformer la Loi sur les Indiens, bien que les changements qui seront effectués fassent l'objet de débats. Les Premières Nations perçoivent cette loi de 1876 comme paternaliste et comme un outil d'assimilation, mais les protections prévues créent des obstacles aux réformes.

Le président de la Fédération des Métis du Manitoba, David Chartrand, a déclaré qu'il était hypocrite de la part de Mme Wilson-Raybould de refuser le poste de ministre des Services aux Autochtones, car le ministère de la Justice est responsable de « l'étouffement » des droits des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Il était « formidable » que Mme Wilson-Raybould se soit vu offrir cette opportunité en tant qu'Autochtone, a-t-il ajouté, soulignant qu'elle aurait apporté une riche expérience, y compris celle d'ancienne cheffe régionale de l'Assemblée des Premières Nations pour la Colombie-Britannique. « Imaginez : nous avons une leader autochtone, qui est avocate, chef régionale, procureure, qui soit à la tête de ce dossier ? Wow ! Vous ne pourriez pas demander mieux. »

Mercredi, l'ancien secrétaire principal de M. Trudeau, Gerald Butts, a brossé un portrait détaillé du processus entourant le remaniement ministériel de janvier.

La semaine dernière, Mme Wilson-Raybould a déclaré devant le comité de la justice des Communes qu'elle pensait avoir été démise de ses fonctions de ministre de la Justice parce qu'elle n'avait pas proposé au géant québécois du génie SNC-Lavalin un accord de réparation - une entente permettant aux entreprises d'éviter des poursuites criminelles - à la suite de ce qu'elle a qualifié de pressions constantes exercées par le bureau du premier ministre sur une période de quatre mois pour qu'elle intervienne politiquement dans l'affaire.

M. Butts a maintenu mercredi devant le même comité que la question de SNC-Lavalin n'avait joué aucun rôle dans ce qui était censé être un remaniement simple et ordonné, à la suite du départ de l'ancien président du Conseil du Trésor Scott Brison. Il a déclaré au comité que la confiance s'était effritée après que Mme Wilson-Raybould eut rejeté une offre visant à prendre le portefeuille des Services aux Autochtones et, dans l'esprit de cette dernière, à devenir la personne qui appliquerait la Loi sur les Indiens.

« J'aurais dû le savoir et si nous avions eu plus de temps pour réfléchir au remaniement ministériel, je l'aurais probablement compris », a admis M. Butts. Il a indiqué avoir informé son patron que le premier ministre ne pouvait accepter qu'une ministre refuse un remaniement, car cela créerait un précédent.

Il a également soutenu que Mme Wilson-Raybould et lui-même avaient échangé des messages à plusieurs reprises à la suite de cela, ajoutant qu'il était devenu « très préoccupé » par les commentaires qu'elle exprimait.

« Je savais, grâce à ces échanges, que la confiance entre notre bureau et la ministre s'était effritée, a déclaré M. Butts. J'ai essayé de contrer ses appréhensions avec des efforts répétés, et croyez-moi, des efforts honnêtes. En fin de compte, j'ai été incapable de le faire et voici où nous en sommes aujourd'hui. »

Jeudi, Justin Trudeau s'est excusé pour « l'érosion » de la confiance, notant qu'il aurait dû être au courant de la rupture. Il n'a toutefois pas présenté d'excuses à Mme Wilson-Raybould, lui reprochant même une certaine fermeture dans sa gestion du dossier SNC-Lavalin.