Un sondage réalisé au cours des derniers jours par la firme Léger pour La Presse canadienne suggère que le premier ministre Justin Trudeau subit personnellement les contrecoups de toute l'affaire SNC-Lavalin.

Globalement, 41% des personnes interrogées depuis vendredi estiment que le premier ministre a commis une erreur dans cette affaire qui implique le géant montréalais de l'ingénierie et l'ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould ; 12% des répondants croient que M. Trudeau n'a commis aucune faute, et 41% ne savent pas trop quoi penser de son implication.

Parmi les répondants qui se sont identifiés comme des partisans libéraux, 10% ont estimé que le premier ministre avait fait quelque chose de mal dans cette affaire, 27% ont estimé qu'il n'avait rien fait de mal, et 55% n'en étaient pas certains. Par contre, les deux tiers des partisans conservateurs pensent que le premier ministre a mal agi.

Pour le vice-président exécutif et associé de Léger, Christian Bourque, ces résultats indiquent que l'opinion que les Canadiens se font de M. Trudeau a changé, du moins temporairement. Selon lui, le premier ministre n'a pas trouvé la bonne façon de rassurer les Canadiens, ou n'a pas été suffisamment clair sur son implication réelle dans cette affaire - ce qu'il a dit et ce qu'il n'a pas dit. Alors, «beaucoup de Canadiens le tiennent en ce moment responsable parce qu'ils ne connaissent pas tous les détails pour se faire leur propre opinion», selon M. Bourque.

À la question de savoir lequel des chefs de parti ferait le meilleur premier ministre du Canada, Justin Trudeau a obtenu le soutien de 26% des répondants, soit sept points de moins qu'en novembre 2018, lorsque Léger a mené un sondage similaire. Le chef conservateur Andrew Scheer a reçu un soutien de 21%, en baisse d'un point par rapport à novembre. La chef du Parti vert, Elizabeth May, récolte 8%, deux points de plus que le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh. 4% des répondants estiment que l'ancien conservateur Maxime Bernier, chef du tout nouveau Parti populaire du Canada, ferait le meilleur premier ministre.

Une affaire méconnue

M. Trudeau a dû faire face à un barrage de questions depuis que le quotidien Globe and Mail a écrit que la ministre de la Justice de l'époque, Jody Wilson-Raybould, avait subi des pressions de membres du cabinet du premier ministre, l'automne dernier, afin que SNC-Lavalin évite une poursuite criminelle pour corruption en concluant un «accord de réparation», prévu par la loi.

Mme Wilson-Raybould, rétrogradée en janvier au portefeuille des Anciens Combattants, a quitté le Cabinet la semaine dernière. Lundi, le secrétaire principal de M. Trudeau, son ami Gerald Butts, a démissionné en assurant qu'il n'avait pas exercé de pression sur l'ancienne procureure générale.

Le sondage a été mené entre vendredi et mardi - donc après la démission de Mme Wilson-Raybould, mais en grande partie avant le départ de Gerald Butts lundi.

On a aussi demandé aux répondants s'ils avaient entendu, lu ou vu quoi que ce soit qui suggérerait que M. Trudeau ait pu inciter Mme Wilson-Raybould à renoncer à une affaire criminelle impliquant SNC-Lavalin. Les deux tiers des répondants en avaient entendu parler, mais de ce nombre, 46% admettent qu'ils ne connaissent pas bien le dossier. Un répondant sur quatre n'en avait jamais entendu parler.

M. Bourque trouve intéressant qu'Andrew Scheer ne puisse prendre la balle au bond et profiter de cette apparente baisse de tension des libéraux. «À l'heure actuelle, personne n'a su toucher les esprits et les coeurs au Canada, ce qui explique probablement pourquoi les intentions de vote sont si proches, même si le premier ministre montre actuellement des signes d'affaiblissement.»

Intentions de vote

M. Bourque estime par ailleurs que ce sondage est le premier depuis le scrutin général de 2015 qui place les conservateurs devant les libéraux dans les intentions de vote des Canadiens - bien que cette légère avance se situe dans la marge d'erreur.

À l'échelle nationale, le nouveau sondage Léger donne 36% d'intentions de vote aux conservateurs, contre 34% aux libéraux, 12% aux néo-démocrates, 8% aux Verts et 4% au Parti populaire. Depuis novembre dernier, les conservateurs et les verts gagnent trois points, alors que les libéraux perdent cinq points et le NPD, deux.

Au Québec, les libéraux mènent toujours avec 35% des intentions de vote, contre 24% pour les conservateurs ; le Bloc québécois et son nouveau chef, Yves-François Blanchet, maintiennent leurs gains récents, à 20% des intentions de vote. Les Verts obtiennent 8%, deux points de plus que les néo-démocrates, et le parti de Maxime Bernier récolte 5% des intentions de vote dans sa province.

Dans les provinces de l'Atlantique, complètement balayées par les libéraux en octobre 2015, les conservateurs mènent avec 43% des intentions de vote, contre 36% pour les troupes de Justin Trudeau ; les verts ont un point d'avance sur le NPD, à 11%, et Maxime Bernier recueille 1% des intentions de vote.

Le sondage en ligne a été mené sur l'internet du vendredi 15 au mardi 19 février auprès de 1500 électeurs de 18 ans et plus, sélectionnés au hasard dans la banque en ligne de la firme. Les résultats ont été pondérés en fonction de l'âge, du sexe, de la langue maternelle, de la région et du niveau d'instruction de manière à refléter la composition de la population canadienne. Selon Léger, aucune marge d'erreur ne peut être associée à un échantillonnage internet. À des fins de comparaison, toutefois, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d'erreur de plus ou moins 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20.