Il y aura un prix à payer pour le refus de Justin Trudeau, a mis en garde le premier ministre québécois, François Legault, mardi après-midi.

Celui-ci réagissait au non catégorique du premier ministre fédéral à sa demande d'instaurer une déclaration de revenus unique administrée par le Québec.

« M. Trudeau devra payer le prix politique parce que les Québécois sont perdants deux fois, a-t-il affirmé. Premièrement, ils paient pour des fonctionnaires, deux équipes de fonctionnaires qui font la même chose. Donc, c'est du gaspillage de fonds publics. Deuxièmement, ça demande beaucoup plus de travail, autant aux individus qu'aux entreprises, de faire deux déclarations fiscales. »

M. Legault s'est toutefois gardé d'inciter les électeurs québécois à faire barrage aux libéraux lors de la prochaine élection fédérale.

Justin Trudeau a signalé mardi matin que le gouvernement caquiste, tout comme les conservateurs qui se font le relais à Ottawa de la demande du Québec, mettait des emplois en péril.

« On est toujours prêt à travailler pour simplifier la vie des Québécois et de tous les Canadiens, mais nous ne sommes pas alignés avec le gouvernement du Québec sur l'idée d'un rapport d'impôts unique provincial », a-t-il affirmé.

Ce refus sans appel a causé une vive déception dans l'ensemble des partis politiques à Québec. La proposition d'une déclaration de revenus unique avait fait l'objet d'une motion unanime de l'Assemblée nationale en mai dernier.

« [Je suis] extrêmement déçu parce que c'était quelque chose qui était dans l'intérêt public [...] des Québécois et surtout, ce que je souhaite, c'est que les deux agences continuent de travailler dans le but de simplifier la vie des citoyens », a commenté le député libéral Carlos Leitão.

Et si Ottawa s'occupait de tout  ?

Si Québec veut sa déclaration de revenus unique, il pourrait accepter qu'elle soit gérée par Ottawa, selon le ministre François-Philippe Champagne.

« C'est comme ça dans l'ensemble du Canada, a-t-il fait valoir à sa sortie de la réunion du cabinet. Alors, si évidemment le Québec voulait faire une épargne (sic), bien l'épargne est là. »

Une suggestion aussitôt rejetée par François Legault. « Écoutez, on est un gouvernement nationaliste, c'est sûr qu'on veut protéger notre autonomie, et que le rapport d'impôt soit fait par le gouvernement du Québec », a-t-il souligné.

La proposition du ministre Champagne soulève également l'indignation du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, qui milite pour la déclaration de revenus unique administrée par le gouvernement québécois depuis de nombreuses années.

« [C'est] une perte d'emplois chez nos membres mais, en plus, c'est une perte du contrôle de nos finances au Québec, a affirmé son président, Christian Daigle. Le rapport d'impôt au Québec est arrivé il y a de ça bien des années, dans les années 60, et on a gagné de l'autonomie fiscale par rapport à ça. »

Les conservateurs reviennent à la charge

Un vote doit avoir lieu mercredi en fin de journée sur une motion déposée par les conservateurs. Ceux-ci promettent d'acquiescer à la demande du premier ministre Legault s'ils forment un gouvernement en octobre 2019.

« Lorsqu'on parle avec des entrepreneurs, lorsqu'on parle avec des citoyens, tout le monde trouve cela tout simplement ridicule que nous continuions au Québec à recevoir deux documents chaque fois [...], que ces documents-là sont multipliés, que ça prend nécessairement plus de temps », a rappelé le député conservateur Alain Rayes.

François Legault avait formulé sa requête lors de sa rencontre avec M. Trudeau à Sherbrooke en janvier. Les ministres fédéraux Dominic LeBlanc et François-Philippe Champagne avaient alors fait valoir que cette proposition mettrait en jeu les emplois de 5000 fonctionnaires dans les 14 centres de données fiscales gérés par Ottawa dans la province.

Le premier ministre québécois avait alors reconnu que des pertes d'emplois pourraient être compensées, selon lui, par ceux qu'il créera dans les domaines de l'éducation et de l'innovation.

Justin Trudeau s'était déjà opposé en mai à la déclaration de revenus unique administrée par le gouvernement québécois, malgré le consensus de l'Assemblée nationale. Il n'en voyait pas la nécessité et estimait que Québec avait déjà beaucoup « de contrôle sur l'immigration, sur la langue, sur la culture ».

Le Nouveau Parti démocratique s'était prononcé en faveur de la déclaration de revenus unique lors de son congrès il y a un an, mais à la condition de protéger les emplois. Il a depuis changé son fusil d'épaule.

« Comment il va faire pour enlever tout l'ouvrage, puis tout le travail qui est souvent saisonnier d'ailleurs de ces travailleurs et de ces travailleuses-là sans aucune perte d'emplois  ? a demandé le député Alexandre Boulerice en chambre. Selon tous les devoirs qu'on a faits et les évaluations qu'on a faites, en ce moment, ça semble une chimère. »

Les employés de l'Agence du revenu du Canada pourraient se rendre utiles ailleurs, a suggéré le député bloquiste Gabriel Ste-Marie.

« On pourrait leur offrir d'autres fonctions, a-t-il soutenu. Par exemple, le service de la paie Phénix à Miramichi au Nouveau-Brunswick, ça ne fonctionne pas du tout. On pourrait en mettre une partie à Jonquière, par exemple. »

Seuls le Parti conservateur et le Bloc québécois sont désormais en faveur de la déclaration de revenus unique gérée par Revenu Québec.