Le premier ministre du Québec, François Legault, a désapprouvé jeudi les efforts de députés libéraux pour tuer dans l'oeuf un projet de loi bloquiste sur la langue des immigrants.

« Je trouve ça malheureux parce que c'est clairement une volonté et puis un consensus au Québec », a-t-il dit à l'issue du caucus caquiste en Outaouais.

« On souhaiterait que les nouveaux arrivants, avant de recevoir leur résidence permanente ou leur citoyenneté, puissent avoir réussi un test de français, a-t-il ajouté. C'était ce que souhaitait le Bloc. Je trouve ça malheureux qu'on ne laisse pas avancer le débat avec un projet de loi. »

Le projet de loi bloquiste fait écho à la position du gouvernement Legault. Celui-ci tente d'obtenir l'accord d'Ottawa pour faire passer un test de français aux nouveaux arrivants qui veulent élire domicile au Québec.

Patate chaude à Ottawa

« Chez une certaine partie des libéraux, il y a presque une haine du Québec français, a réagi le bloquiste Mario Beaulieu. On sent que c'est viscéral. »

« Absolument, pas. C'est ridicule ! », a réfuté le député Anthony Housefather.

M. Beaulieu accuse les libéraux d'avoir bloqué son projet de loi sur la langue des immigrants, jugé « non votable » par les élus à l'issue d'un rare vote secret. Leur choix a été dévoilé par le président de la Chambre des communes dès le début des travaux jeudi matin, mais ce dernier n'a pas précisé combien de députés ont voté pour en débattre ou pour l'étouffer.

Cinq députés libéraux avaient décidé en comité en décembre que le projet de loi était inconstitutionnel, malgré l'avis plus nuancé du légiste chargé de conseiller la Chambre sur ce genre de questions juridiques.

Le projet de loi C-421 veut rendre conditionnelle l'obtention de la citoyenneté canadienne pour les immigrants installés au Québec à leur connaissance adéquate du français. Le Bloc québécois estime que l'apprentissage de la langue commune en sol québécois est la meilleure façon d'intégrer les nouveaux arrivants.

« Ils étaient gênés d'avoir à voter non à une demande aussi légitime alors ils ont dit "on se cache derrière les règlements et on dit que c'est anticonstitutionnel, puis on n'a pas le droit de le voter" », a dénoncé le député bloquiste Rhéal Fortin.

Semblant lui donner raison, le ministre François-Philippe Champagne a refusé de dire quel a été son choix lors du vote secret.

« Ça m'appartient, comme on ne demande pas comment vous avez voté aux dernières élections », a-t-il dit.

« Nous on a toujours été clairs qu'il fallait défendre les droits et libertés qui sont enchâssés dans la Charte des droits et libertés canadiennes, a-t-il ajouté en faisant référence à l'article sur les deux langues officielles. Je pense que c'est ça aussi les valeurs canadiennes qui s'expriment et ces valeurs-là, ces règles-là ont souvent protégé les Québécois et les Québécoises. »

Son collègue québécois Anthony Housefather a été plus explicite.

« Pour moi, c'est très clair, si vous allez dire qu'uniquement au Québec les gens doivent prendre leur test de citoyenneté en français et, ailleurs au Canada, ça pourrait être en français ou en anglais, vous créez deux différentes classes de personnes dépendant de la province où ils vont prendre leur test et, quant à moi, c'est inconstitutionnel. »

Les conservateurs dénoncent, eux aussi, la manoeuvre libérale pour empêcher le débat même si certains d'entre eux sont en désaccord avec l'esprit de C-421.

« C'est pour ça qu'on voulait en débattre justement parce qu'il y a plusieurs questionnements à l'égard de ce projet de loi-là », a indiqué le député Alupa Clarke.

« Il ne faut pas oublier que nous, bien qu'on veut protéger la langue française, la loi sur les langues officielles nous oblige aussi à protéger la communauté linguistique minoritaire anglophone du Québec, a-t-il ajouté. Donc, si on faisait une condition que quelqu'un parle minimalement le français, il y aurait plus de chances que la communauté linguistique minoritaire anglophone du Québec ne puisse pas assurer sa survie au sein même de notre province. »

Le projet de loi bloquiste a donné lieu à un échange musclé lors de la période des questions mardi entre le député et le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

Enflammé et en haussant graduellement le ton, M. Rodriguez a suggéré que le Bloc québécois incitait à la division selon la couleur des gens. Des propos interprétés par le Bloc québécois comme étant racistes. Le chef de la formation a demandé des excuses de la part du premier ministre Justin Trudeau pour les propos de son ministre, mais sans succès.