Alors que les tensions régionales liées aux projets de développement des ressources naturelles sont de plus en plus vives, le chef du Parti conservateur Andrew Scheer croit que le temps est venu de tenir un sommet national sur l'énergie qui permettrait d'aborder de front les aspirations et les besoins de chacune des régions du pays.

Durant ce sommet, le Québec pourrait mettre sur la table ses ambitions en matière d'exportation d'hydro-électricité vers les autres provinces, tandis que les provinces de l'Ouest telles l'Alberta et la Saskatchewan pourraient exposer leurs besoins en matière de transport de pétrole, a-t-il fait valoir.

Un tel sommet pourrait aussi permettre d'établir un cadre pour finalement doter le Canada d'un véritable «corridor énergétique» qui relierait l'ensemble des provinces, selon lui.

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Scheer a dit juger invraisemblable qu'un pays qui dispose d'autant de ressources naturelles que le Canada soit incapable d'assurer leur transport et leur vente d'une région à l'autre.

«Je pense qu'il est temps d'avoir une grande conversation nationale sur cette question, un genre de sommet ou une rencontre, et cela, sans politiser les enjeux. Nous sommes le seul pays au monde qui a des réserves énergétiques de cette ampleur, mais où il est impossible de transporter notre énergie d'une région à l'autre. Chaque autre pays avec la richesse de ces énergies naturelles a trouvé une façon de développer, d'exporter et de vendre», a affirmé M. Scheer.

«Il est temps d'avoir une grande vision, de créer les liens entre les différentes parties de notre pays.»

«Les gens de l'Ouest peuvent comprendre que l'hydro-électricité peut être une partie de la solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et les gens de l'Est peuvent comprendre aussi qu'il vaut mieux acheter du pétrole de l'Alberta que de l'Arabie saoudite. Tous les Canadiens sortiraient grands gagnants d'une telle collaboration. Il est temps d'avoir cette conversation nationale. En ce moment, il n'y a aucune vision de la part du gouvernement libéral», a-t-il ajouté.

Tensions palpables

M. Scheer s'est dit inquiet de la grogne qui sévit dans les provinces de l'Ouest, en particulier en Alberta, où la chute des prix du pétrole a réduit considérablement les investissements dans l'industrie pétrolière et entraîné la perte de 100 000 emplois.

«Les craintes des gens de l'Ouest sont réelles. Il y a une crise économique profonde. Je n'ai jamais vu rien de tel. Plus de 100 000 emplois ont été perdus en Alberta. Et il n'y a aucun signe de reprise. La remontée du prix du baril de pétrole est manifeste partout ailleurs, sauf au Canada», a-t-il souligné.

Durant la rencontre des premiers ministres, convoquée par Justin Trudeau à Montréal, en décembre, les tensions entre les provinces et Ottawa étaient palpables. La première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a plaidé pour que le gouvernement fédéral et les autres provinces fassent un bout de chemin pour aider la cause de l'Alberta, en appuyant par exemple la construction d'un nouvel oléoduc pour transporter le pétrole issu des sables bitumineux.

Certains premiers ministres, dont ceux de l'Ontario, Doug Ford, et du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, ont alors plaidé pour que l'on relance le projet de construction de l'oléoduc Énergie Est, qui relierait l'Alberta jusqu'au Nouveau-Brunswick et devrait passer par le Québec.

Mais le premier ministre du Québec, François Legault, a opposé une fin de non-recevoir à une telle possibilité parce que la construction de cet oléoduc n'a pas l'acceptabilité sociale nécessaire. Il a aussi qualifié le pétrole albertain d'«énergie sale», provoquant la colère en Alberta.

M. Legault avait voulu profiter de la tenue de la conférence des premiers ministres à Montréal pour vendre son projet d'alliance énergétique qui permettrait d'augmenter les exportations d'électricité du Québec vers les provinces voisines. Mais il s'est fait rabrouer par certains de ses collègues, dont M. Higgs, du Nouveau-Brunswick, qui dit juger impossible la réalisation de ce projet si le Québec refuse d'appuyer la construction d'un nouvel oléoduc sur son territoire.

«On peut trouver un terrain commun»

Selon Andrew Scheer, il est possible de trouver un terrain d'entente satisfaisant pour l'ensemble des provinces dans le dossier de l'énergie.

«M. Legault veut se concentrer sur l'économie pour améliorer la qualité de vie des gens. C'est de la musique à mes oreilles. Il a des propositions très intéressantes et je pense que l'on peut trouver des partenariats. Le Québec a de l'hydro-électricité. Il veut avoir un corridor pour exporter de l'électricité vers d'autres provinces. Très bien, nous avons besoin de trouver de nouveaux marchés pour l'énergie venant de l'ouest du Canada. On peut trouver un terrain commun. On peut commencer les conversations avec le respect mutuel», a dit M. Scheer.

Les problèmes de l'Alberta sont aggravés par l'écart important entre le prix du baril du brut albertain et le brut américain, qui fait perdre 80 millions de dollars par jour à l'économie canadienne. L'écart, qui était de près de quelque 45 $US en novembre 2018, s'est depuis rétréci à moins de 10 $ après que le gouvernement de l'Alberta eut ordonné en décembre une réduction de la production pétrolière de la province de 325 000 barils par jour à compter de janvier.