Des documents gouvernementaux récemment rendus publics montrent que la stratégie fédérale pour lutter contre la pauvreté ne va pas aussi loin que les experts qu'ils ont consultés l'auraient espéré.

Une présentation du groupe de spécialistes datant du 24 mai indique que ces derniers voulaient que le gouvernement de Justin Trudeau reconnaisse le fait de vivre à l'abri de la pauvreté comme un droit fondamental.

Le groupe souhaitait que l'élaboration des objectifs, des cibles et des évaluations de la stratégie pour réduire la pauvreté à l'échelle nationale soit fondée sur les droits de la personne, selon des documents obtenus par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Ce n'est pas la voie choisie par les libéraux, qui ne font pas allusion aux droits de la personne dans le projet de loi qu'ils ont soumis à la Chambre des communes juste avant les vacances de Noël.

Dans leur présentation, les experts affirment que le gouvernement devrait avoir pour objectif de réduire la pauvreté de 25 % au cours des cinq prochaines années et de 50 % au cours de la prochaine décennie. Les libéraux ont finalement revu à la baisse le premier objectif pour l'établir à 20 %, mais ont accepté le deuxième.

Cela signifie donc que 840 000 Canadiens se hisseraient au-dessus du seuil officiel de pauvreté d'ici 2020, et 2,1 millions d'ici 2030, si les objectifs sont atteints.

La différence entre la recommandation des experts et le projet de loi présenté à la Chambre des communes donne un aperçu des débats au sein du gouvernement pour inscrire un droit fondamental dans la loi.

Selon certaines sources, le débat sur la question de savoir jusqu'où aller - et ce que cela signifierait pour les gouvernements - a contribué à retarder le projet de loi promis par les libéraux visant à affirmer le « droit au logement » en inscrivant la Stratégie nationale sur le logement dans une loi distincte.

Un plus grand impact économique ?

Le ministre du Développement social, Jean-Yves Duclos, a soutenu que le gouvernement souhaitait toujours inclure les droits de la personne à sa stratégie pour lutter contre la pauvreté et à celle sur le logement, non seulement parce que c'est la chose à faire d'un point de vue moral, mais aussi parce que cela aura un plus grand impact sur le plan économique.

« Lorsque nous reconnaissons qu'il s'agit d'un droit fondamental d'être logé de façon décente et sûre, cela exerce bien entendu des pressions sur les gouvernements, et sur le gouvernement fédéral en particulier, pour qu'ils admettent qu'ils doivent assumer leurs responsabilités [...] Je le vois de manière positive », a déclaré M. Duclos en entrevue.

« Cela m'aide au sein du gouvernement fédéral, de pouvoir dialoguer avec les provinces, les territoires et d'autres parties prenantes de toutes sortes, [...] d'utiliser une perspective des droits de la personne afin que nous puissions mieux travailler ensemble face à l'importance de donner à chacun une chance réelle et équitable de réussir et nous assurer que personne ne soit laissé pour compte. »

Les néo-démocrates ont tenté de convaincre les libéraux d'adopter une perspective de droits de la personne plus explicite dans leur projet de loi, ce qui permettrait selon eux d'identifier plus rapidement tout éventuel obstacle législatif ou politique à l'atteinte de ses objectifs.

Certains s'inquiètent toutefois de la possibilité que cette loi soit utilisée par des locataires qui voudraient poursuivre des propriétaires pour leur avoir refusé un appartement.

La porte-parole conservatrice Karen Vecchio a affirmé que les libéraux devaient réfléchir aux conséquences inattendues de la loi.

« Nous ne pouvons pas proposer des politiques qui ne s'attaquent pas réellement au problème, à savoir le sans-abrisme », a-t-elle déclaré. « Le plus important, c'est que les politiques et les lois que nous adoptons [...] ne mettent jamais quelqu'un dans une position perdante. »