Le premier ministre Justin Trudeau enlise le pays dans l'endettement, dénonce le chef du Parti conservateur Andrew Scheer, qui sonne l'alarme en soulignant que les frais d'intérêt de la dette fédérale seront presque aussi élevés d'ici cinq ans que les sommes qu'Ottawa verse aux provinces aujourd'hui pour financer les soins de santé.

Si Andrew Scheer et ses troupes ont passé une bonne partie de la dernière session parlementaire à frapper sur le clou des déficits récurrents du gouvernement Trudeau et à dénoncer l'absence d'un plan de retour à l'équilibre budgétaire du ministre des Finances Bill Morneau, c'est qu'un coup de barre s'impose dans la gestion des finances publiques avant qu'il ne soit trop tard, a affirmé hier le chef conservateur.

Dans une entrevue accordée à La Presse à son bureau de la colline parlementaire, M. Scheer a soutenu que les électeurs auront un choix déterminant à faire en 2019, année électorale, pour la santé des finances publiques du pays. Selon lui, les électeurs doivent sanctionner le gouvernement Trudeau, qui a rapidement renié sa promesse de présenter des budgets comportant des déficits modestes ne dépassant pas 10 milliards de dollars et renvoyé aux calendes grecques le retour à l'équilibre budgétaire, alors qu'il promettait en campagne un budget équilibré en 2019.

Dans son énoncé économique de novembre dernier, le ministre Bill Morneau prévoyait un déficit de 18,1 milliards de dollars en 2018-2019, de 19,6 milliards en 2019-2020 et de 18,1 milliards en 2020-2021. Mais dans une analyse publiée la semaine dernière, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, est arrivé à une tout autre conclusion : les déficits projetés seraient en moyenne de 8 milliards de dollars plus élevés par année durant la même période.

Selon Andrew Scheer, le gouvernement Trudeau, en gérant les finances publiques d'une manière «très irresponsable», est en train de créer un déficit structurel, comme l'avait d'ailleurs fait l'ancien gouvernement libéral de Pierre Trudeau dans les années 70.

«Le danger est clair. Année après année, le gouvernement fédéral doit payer plus en frais d'intérêt sur la dette. Dans cinq ans, le gouvernement va payer presque autant en frais d'intérêt que ce que l'on dépense pour la santé», a affirmé M. Scheer.

«Les dépenses du gouvernement d'une manière irresponsable, comme on le voit, présentent des risques dans un proche avenir. On ne parle pas de 20 ans ou 30 ans. On parle de trois à cinq ans. Ces risques sont à nos portes. Et s'il y a une récession, le gouvernement n'aura aucune flexibilité pour agir.»

Les frais d'intérêt de la dette accumulée s'élèveront à 23,8 milliards de dollars en 2018-2019. Ils bondiront de 11 milliards de dollars d'ici cinq ans, et atteindront les 34,3 milliards en 2023-2024 - une somme presque aussi importante que les transferts qu'Ottawa verse aux provinces pour la santé cette année (38,5 milliards), selon M. Scheer.

La dette accumulée, qui était de 615,9 milliards de dollars en 2015-2016 quand les libéraux ont pris le pouvoir, atteindra les 687,7 milliards en 2018-2019 et pourrait friser les 765 milliards en 2023-2024.

Un chemin «risqué»

Le chef conservateur a souligné que bien des dépenses annoncées par le gouvernement Trudeau n'apparaissent pas dans les données du ministère des Finances, notamment les compensations qui seront versées aux producteurs laitiers pour l'accès qui a été accordé aux producteurs américains en vertu du nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou encore l'aide financière que veut accorder Ottawa aux 2500 travailleurs de GM à la suite de l'annonce de la fermeture de l'usine d'assemblage à Oshawa, le mois dernier, par exemple. Les travaux d'agrandissement de l'oléoduc Trans Mountain, évalués à près de 10 milliards, ne sont pas non plus comptabilisés dans les projections financières.

«Toutes ces dépenses vont s'ajouter encore au déficit. On ne parle pas d'avoir un budget équilibré demain matin. Mais il faut au moins avoir un plan et une date de retour à l'équilibre. Il n'y a aucune date. Ce chemin qu'emprunte le gouvernement Trudeau est très risqué pour notre pays.»

«C'est de la folie d'avoir un capitaine d'un navire qui dit : "La mer est tranquille, pas besoin de regarder à l'horizon s'il y a un iceberg." Mais il y a des signes inquiétants à l'horizon. Le niveau d'endettement des familles est élevé. Il y a d'autres signes, et c'est mieux d'être prudent, de maintenir les niveaux de service et de gérer les finances d'une manière rigoureuse.»

La situation budgétaire est telle à Ottawa que M. Scheer affirme que le Parti conservateur devra faire des promesses «prudentes» durant la prochaine campagne.

«Nous n'allons pas promettre des choses que nous ne pouvons pas livrer. Nous allons hériter d'un déficit très important. Mais une de nos promesses sera de réduire le déficit d'une manière responsable, comme nous l'avons fait durant les années 2008 à 2015, après la grande récession. Nous l'avons fait sans [réduire] les transferts aux provinces. Je crois au principe qu'on ne peut pas laisser nos factures à la prochaine génération.»