Une juge ontarienne a porté un dur coup au sénateur Mike Duffy dans sa tentative pour récupérer les sommes d'argent dont il a été privé durant sa longue suspension sans solde il y a cinq ans.

La juge Sally Gomery a déclaré, vendredi, que la décision du Sénat de suspendre Mike Duffy était protégée par le privilège parlementaire. Cela signifie que M. Duffy ne peut pas poursuivre la chambre haute pour ses actions.

Elle a donc radié le Sénat de la poursuite intentée par M. Duffy, qui réclamait plus de 7,8 millions à la chambre haute, à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et au gouvernement fédéral.

Le sénateur a décidé de demander des dommages-intérêts à la suite de l'enquête largement médiatisée sur ses remboursements de dépenses, qui a mené à un procès durant lequel il a été acquitté de 31 chefs d'accusation en avril 2016.

Dans une déclaration publiée à la suite du jugement de la magistrate Gomery, Mike Duffy a annoncé qu'il prendrait le temps nécessaire pour étudier la décision et évaluer ses options.

M. Duffy avait déposé sa poursuite en août 2017, alléguant qu'« un abus de pouvoir sans précédent » s'était produit lorsqu'une majorité de sénateurs avaient voté en faveur de sa suspension sans solde en novembre 2013, avant qu'il ne fasse l'objet d'accusations criminelles.

En janvier 2018, le Sénat avait demandé à être radié de la poursuite et les deux parties avaient passé deux jours au tribunal, en juin, pour présenter leurs arguments.

Les avocats de Mike Duffy ont avancé que l'équipe de Stephen Harper avait eu pour mission d'étouffer le scandale concernant les frais de logement du sénateur Duffy et que la chambre haute avait renoncé à son privilège parlementaire lorsque les sénateurs conservateurs avaient autorisé le cabinet du premier ministre à prendre en main le dossier.

Le Sénat a fait valoir le contraire, soit que l'ingérence du bureau du premier ministre ne privait pas la chambre haute de son privilège.

Dans sa décision, la magistrate affirme que d'autoriser un tribunal à examiner les actions du Sénat envers M. Duffy entraverait la capacité de la chambre haute à fonctionner en tant qu'organe législatif indépendant.

Elle a soutenu qu'elle devait « respecter les impératifs constitutionnels » et a suggéré à Mike Duffy de faire de même.

« Le privilège parlementaire immunise toutes les décisions et la conduite sous-jacentes à la plainte du sénateur Duffy contre le Sénat. En conséquence, cette cour n'a aucun rôle à jouer pour juger de leur légalité ou de leur équité », a écrit Sally Gomery.

« Étant donné que les actions en cause relèvent de celles protégées par le privilège parlementaire, je ne peux pas me demander si elles étaient fausses ou injustes, ou même si elles étaient contraires aux droits du sénateur garantis par la Charte. Ce sont toutes des décisions que le Sénat, et uniquement le Sénat, peut prendre. »

Dans sa réaction, M. Duffy a qualifié cette question d'importante.

« La Charte des droits s'applique à tous les Canadiens, mais la décision de la cour stipule que, en raison du concept de privilège parlementaire vieux de plusieurs siècles, la Charte ne s'applique pas aux sénateurs », a-t-il observé. Il a aussi rappelé que sa poursuite contre la GRC était maintenue.

Dans un communiqué, le comité sénatorial de la régie interne, des budgets et de l'administration a déclaré que la décision de la cour confirmait le droit de la chambre haute de « contrôler ses propres procédures et son autorité disciplinaires sur ses membres, sans ingérence extérieure ».

Ce comité supervise les dépenses du Sénat et a joué un rôle majeur dans l'examen des demandes de remboursement de l'ex-sénateur conservateur devenu indépendant.