Ottawa offre jusqu'à 25 000 $ de compensation financière aux résidants du secteur du chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, pour les « perturbations » vécues avec l'arrivée massive de migrants irréguliers à la frontière canado-américaine, a appris La Presse.

Sécurité publique Canada a pris la décision de dédommager les ménages situés non loin du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, en raison de « l'afflux particulier d'activité près du rang Roxham, relié à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile qui franchissent la frontière dans cette région » depuis avril 2017.

Dans une correspondance adressée aux propriétaires du secteur en novembre dernier, Sécurité publique Canada admet que le flux de milliers de migrants depuis les derniers mois a entraîné une augmentation de la « circulation et [du] bruit » entre la fin du chemin Roxham, où bon nombre de migrants ont traversé illégalement la frontière, et le bureau d'entrée officielle à Lacolle.

Le bureau de la députée fédérale libérale de Châteauguay-Lacolle, Brenda Shanahan, a confirmé à La Presse l'envoi récent de lettres aux citoyens concernés pour leur offrir un dédommagement.

Trois zones distinctes

Le secteur a été divisé en trois zones distinctes. Ainsi, les résidants dont la maison a pignon sur rue au bout du chemin Roxham, donc le plus près de l'action, recevront « un paiement unique » de 25 000 $. Les habitants de la « zone B », qui s'étend entre le chemin Fisher et la montée Glass, touchés plus « modérément », pourront réclamer 10 000 $.

Enfin, la « zone C » comprend les résidants de la montée Glass reliant le chemin Roxham, le chemin Fisher et l'autoroute 15, qui auront droit à une somme de 2500 $. « On ne s'attendait pas du tout à ça », a réagi Aline Nault, qui habite la zone B. « Je peux vous le dire qu'on le mérite quand même avec tout ce va-et-vient depuis avril 2017 », a-t-elle ajouté.

« La circulation, c'était très perturbant, le nombre de voitures de la SQ, de la GRC, les camions et les autobus qui faisaient la navette. Ça n'arrêtait plus ! »

- Aline Nault, résidante du chemin Roxham

« Ici, tu sais où va chaque voiture », illustre Mme Nault. Tout le branle-bas lié au contrôle du flux de migrants a eu un lourd impact sur la qualité de vie des résidants du secteur, réputé pour être un coin tranquille, nous a indiqué une autre famille.

Selon le ministère fédéral de l'Immigration, quelque 16 000 demandeurs d'asile ont traversé la frontière canado-américaine de façon irrégulière par le Québec de janvier à octobre 2018. En 2017, ce nombre est estimé à 25 000. À travers le pays, l'arrivée de migrants irréguliers a coûté 340 millions au gouvernement fédéral en 2017-2018.

Une trentaine de ménages admissibles ?

Il a été impossible hier d'obtenir les explications du cabinet du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, en lien avec cette nouvelle mesure de dédommagement offerte aux citoyens du secteur du chemin Roxham. Le bureau de la députée fédérale Brenda Shanahan nous a par ailleurs invités à adresser nos questions au ministère de M. Goodale.

Le député conservateur Pierre Paul-Hus, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, a pour sa part indiqué « comprendre les citoyens d'être exaspérés après avoir enduré cette situation depuis deux ans », mais il dit s'inquiéter de la hauteur de la compensation, qui révèle selon lui « que la situation est incontrôlable » et « permanente ». « Au lieu de prendre des mesures concrètes [pour régler la situation à la frontière], Justin Trudeau préfère sortir le carnet de chèques », a-t-il déploré.

La Presse n'a pu confirmer le nombre de ménages admissibles à la compensation financière du gouvernement fédéral. Selon des résidants consultés, il pourrait y en avoir environ une trentaine, dont quelques-uns seulement dans la zone la plus touchée.