Malgré les menaces de représailles brandies contre le Canada par Pékin depuis l'arrestation d'une dirigeante du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou, à Vancouver la semaine dernière, le ministre du Commerce international Jim Carr se veut rassurant: il ne croit pas que cet évènement va jeter un froid sibérien sur les relations commerciales et diplomatiques entre les deux pays.

Le ministre Carr a soutenu hier dans une entrevue avec La Presse que les relations entre le Canada et la Chine étaient solides et qu'elles allaient demeurer ainsi, malgré la zone de turbulences qu'elles traversaient dans la foulée de l'arrestation de cette dirigeante par les autorités canadiennes à la demande des États-Unis.

Au cours des derniers jours, la Chine a multiplié les avertissements à l'intention du Canada selon lesquels il y aurait des «conséquences graves» si la patronne du géant chinois Huawei n'était pas libérée dans les plus brefs délais. Le gouvernement chinois a d'ailleurs convoqué samedi l'ambassadeur du Canada à Pékin, John McCallum, pour signifier de vive voix sa colère devant l'arrestation de Meng Wanzhou.

Selon le ministre Jim Carr, qui a fait une visite en Chine le mois dernier en compagnie du ministre des Finances Bill Morneau afin d'augmenter davantage les échanges commerciaux entre les deux pays, le gros bon sens va prévaloir, malgré le vent de colère qui souffle en provenance de la Chine.

«Nous avons des relations très complexes avec la Chine. Ces relations ont été construites au fil des dernières décennies. Elles vont continuer à progresser. Le Canada est un pays régi par la primauté du droit. Cela est bien en évidence dans le cas présent.

«Il n'y a eu aucune ingérence politique. Le système judiciaire fait ce qu'il est censé faire. Nous avons un traité d'extradition [avec les États-Unis]. Les choses se déroulent comme elles devraient se dérouler.» 

Durant son voyage en Chine, M. Carr a affirmé qu'il était possible que les pourparlers exploratoires entre les deux pays débouchent sur un accord de libre-échange, tout en signalant que cela pourrait prendre encore quelque temps avant d'y arriver.

«Je crois que les relations que nous avons bâties avec la Chine et les intérêts que les deux pays partagent d'avoir des relations commerciales plus étroites vont se poursuivre», a souligné le ministre sur un ton calme.

Les propos du ministre Carr visent à rassurer les gens d'affaires qui craignent les retombées négatives de l'arrestation de Meng Wanzhou.

Selon certains experts cités en fin de semaine par le journal chinois Global Times, proche du pouvoir, les conséquences pourraient notamment inclure des «sanctions commerciales», une dégradation des relations bilatérales et une diminution du nombre de visites au Canada de touristes et d'hommes d'affaires chinois.

Le Canada exporte vers la Chine chaque année pour quelque 24 milliards de dollars en marchandises, et il serait «très facile» pour la Chine de se passer de produits énergétiques et agricoles, par une interdiction ou un boycottage, selon Shaun Rein, fondateur du China Market Research Group, établi à Shanghai.

La dirigeante de Huawei est détenue depuis le 1er décembre à Vancouver, et Washington réclame son extradition. Les États-Unis la soupçonnent d'avoir contourné les sanctions américaines contre l'Iran. L'audience sur la libération sous caution de Meng Wanzhou s'est poursuivie hier à Vancouver.

Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Le Yucheng aurait dit à M. McCallum que la demande américaine constituait «une grave violation [de ses] droits légitimes et intérêts». «Une telle mesure fait fi du droit. Elle est déraisonnable, inconsciente et, par sa nature même, ignoble, a dit M. Le dans une déclaration écrite. La Chine exhorte fortement les Canadiens à libérer la dirigeante de Huawei [...] sinon ils en subiront les conséquences.»

Mais selon un ancien conseiller aux affaires étrangères du premier ministre Justin Trudeau, Roland Paris, les pressions chinoises ne fonctionneront pas.

Dans une série de tweets, M. Paris écrit : «Peut-être parce que l'État chinois contrôle tout son système judiciaire, Pékin a parfois des difficultés à comprendre ou à croire à l'indépendance des palais de justice dans un pays où règne le droit. Il ne sert à rien d'exercer des pressions sur le gouvernement canadien. Les juges décideront.»

- Avec La Presse canadienne