Le directeur du SCRS, David Vigneault, s'est rendu en Turquie à la demande du premier ministre et a entendu un enregistrement du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

M. Vigneault « a écouté les bandes audio en question » et en a fait un exposé à Justin Trudeau et à d'autres responsables canadiens à son retour, a indiqué John Townsend, porte-parole du Service canadien du renseignement de sécurité.

Le premier ministre a déclaré lundi à Paris qu'il n'avait pas personnellement entendu l'enregistrement, bien qu'il ait été informé de son contenu. Samedi, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait affirmé que les bandes audio avaient été remises « à l'Arabie saoudite, aux États-Unis, aux Allemands, aux Français, aux Britanniques, à tout le monde ».

M. Trudeau est ainsi devenu le premier dirigeant occidental à admettre que des responsables de son pays avaient entendu l'enregistrement fourni par la Turquie.

« Le Canada a été pleinement informé de ce que la Turquie avait à partager », a dit M. Trudeau lors d'une conférence de presse à l'ambassade du Canada à Paris.

Il a ajouté qu'il avait abordé le sujet lors d'un récent appel téléphonique avec le président Erdogan, ainsi que brièvement lors de leur rencontre du week-end à Paris.

M. Trudeau a dit qu'il « l'avait remercié de sa force dans le dossier Khashoggi ».

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves LeDrian, a toutefois déclaré lundi qu'« à sa connaissance », le gouvernement turc n'avait encore rien partagé avec Paris.

M. Khashoggi était un virulent détracteur de la monarchie au pouvoir en Arabie saoudite. Il a été vu pour la dernière fois au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre, où il était allé chercher des papiers pour épouser sa fiancée.

Son assassinat a fait l'objet de nombreuses condamnations, y compris de la part de M. Trudeau lui-même, mais le premier ministre n'a pas expliqué en quoi les enregistrements avaient influencé ses réflexions sur les répercussions de cette affaire pour les Saoudiens.

« Nous continuons de collaborer avec nos alliés dans le cadre de l'enquête sur la responsabilité du meurtre de Jamal Khashoggi, et nous discutons actuellement avec nos alliés aux vues similaires en ce qui concerne les prochaines étapes avec l'Arabie saoudite », a-t-il déclaré.

L'Arabie saoudite a maintenu pendant des semaines que M. Khashoggi était disparu après être reparti du consulat, avant de finalement annoncer qu'il était mort à la suite d'une bagarre.

Par la suite, l'Arabie saoudite a reconnu que les éléments de preuve présentés par la Turquie indiquaient que le meurtre de M. Khashoggi avait été prémédité, modifiant ainsi son explication dans une apparente tentative d'apaiser l'indignation internationale suscitée par la mort du journaliste.

Des responsables saoudiens ont ensuite affirmé qu'il s'agissait d'une opération clandestine menée par des agents saoudiens qui auraient outrepassé leurs pouvoirs. Certaines des personnes impliquées dans le meurtre seraient des proches du prince héritier.