Le chef conservateur Andrew Scheer a finalement demandé à son député Tony Clement de quitter le caucus en raison de nouvelles « allégations sérieuses » qui circulent au sujet de l'élu déjà empêtré dans un scandale de nature sexuelle.

Le leader en a fait l'annonce en mêlée de presse avant la période des questions, mercredi. « Tony Clement, à ma requête, a démissionné du caucus », a-t-il tranché en arguant que l'élu ontarien n'avait pas été franc avec lui.

Il n'a pas précisé à quelles allégations il faisait référence. « J'ai seulement l'information qui était publique sur les réseaux sociaux. Ce sont des allégations sérieuses qui démontrent que ce n'est pas un incident isolé comme j'ai cru », a-t-il soutenu.

Des messages reprochant à Tony Clement un comportement discutable sur les réseaux sociaux - par exemple, sa supposée propension à écrire des messages directs à de jeunes femmes tard dans la nuit - ont été publiés sur Twitter dans les heures qui ont suivi l'acte de contrition du député.

Il a été contraint d'admettre, mardi soir, dans une déclaration écrite transmise par son parti, qu'il avait fait parvenir des images et une vidéo explicite à une « destinataire féminine consentante », mais cela s'était transformé en tentative d'« extorsion financière ».

Pilier du Parti conservateur du Canada (PCC), le politicien âgé de 57 ans a été ministre sous Stephen Harper et a tenté deux fois de se faire élire à la tête de la formation. Avant d'arriver sur la scène fédérale, il avait été ministre au sein du gouvernement de Mike Harris à Queen's Park.

Il est très actif sur les réseaux sociaux. Son compte Twitter compte près de 77 000 abonnés, et son compte Instagram est suivi par plus de 11 000 internautes.

« Très mauvaise décision »

En début de journée, mercredi, Tony Clement était toujours membre du caucus de son parti, et ce, même si son chef lui reprochait une erreur de jugement considérable - et même si ces gestes allaient jusqu'à soulever des questions en matière de sécurité nationale.

Son chef avait reconnu que la situation était préoccupante compte tenu du fait que le député fautif siège à un comité secret sur la sécurité nationale. « Évidemment que c'est un problème », a-t-il lâché.

« C'est une très mauvaise décision, et les ramifications que cela pourrait avoir sur le plan de la sécurité nationale sont actuellement à l'étude au Bureau du conseil privé et dans les agences de renseignement », a ajouté Andrew Scheer.

Le chef conservateur, qui a affirmé avoir été informé de la situation la semaine passée, n'a pas voulu dire si le député a pu être ciblé parce qu'il siège au comité ultra secret qui se penche sur les activités des services de renseignement et de sécurité du pays.

Le PCC n'a pas précisé quel montant d'argent a été réclamé à Tony Clement ou encore s'il a fait un ou des versements pour tenter d'acheter le silence de la personne qui aurait tenté de le faire chanter.

La GRC enquête

Le député a démissionné mardi de ses fonctions au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et le premier ministre Justin Trudeau en a été informé par écrit, selon la directrice générale du comité, Rennie Marcoux.

Les membres de ce comité et le personnel du secrétariat « sont assujettis aux mêmes exigences en matière de sécurité et confidentialité que la communauté de la sécurité nationale et du renseignement », a-t-elle indiqué.

« Nous devons entreposer tous les appareils électroniques avant d'entrer dans les zones d'accès restreint, y compris nos bureaux », a précisé Mme Marcoux, refusant d'aller plus loin « puisque la GRC (Gendarmerie royale du Canada) a confirmé avoir ouvert une enquête ».

La police fédérale a en effet dit avoir « reçu une plainte de la part de la personne concernée » et indiqué qu'« une enquête est présentement en cours ». Mais « pour cette raison, nous ne sommes présentement pas en mesure de commenter davantage à ce sujet », a-t-on signalé.

Le premier ministre a refusé d'offrir des commentaires sur l'impact potentiel des agissements de Tony Clement sur la sécurité nationale. « Je ne vais pas faire de commentaire, évidemment ; la GRC est engagée sur cet enjeu-là », a-t-il lâché à son arrivée à la période des questions.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a pour sa part indiqué n'avoir aucune raison de croire que la sécurité nationale a pu être compromise.

Et lorsqu'on lui a demandé si les membres du comité devraient faire l'objet d'un processus de vérification plus rigoureux, il a suggéré que l'élu conservateur aurait dû déjà savoir qu'il était une cible potentielle, puisque c'est le genre d'avertissement que l'on sert aux ministres.

Le ministre a nié que la bourde de Tony Clement plombe l'intégrité du comité, dont la formation était une promesse électorale libérale. « Ce que cela met en lumière, c'est à quel point le rôle (de ses membres) est crucial », a-t-il plaidé.

Quant au principal concerné dans cette histoire, il n'a pas participé à la réunion hebdomadaire du caucus conservateur, mercredi. Ses anciens collègues de caucus ont, pour la plupart, fui les micros des journalistes.

Le sénateur québécois Jean-Guy Dagenais a cependant accepté de commenter l'affaire à son arrivée au parlement : « Je n'ai pas de jugement comme tel à poser [...] La seule chose que je peux dire, c'est qu'il faut être prudent quand on est sur les médias sociaux », a-t-il offert.